Savamment construit - comme si Almodóvar essayait d'épuiser littéralement en un film tous les outils narratifs -, magnifiquement monté (une brillante fluidité qui produit rapidement un effet d'ivresse sur le spectateur), "La mauvaise éduation" est surtout curieusement distancé. On est très loin du choc que l'on avait ressenti face à "Tout sur ma mère" ou "Parle avec elle", et malgré le talent de Gael Garcia Bernal, on ne croit jamais à l'humanité de ces poupées gigogne, qui ne semblent être assemblées de manière aussi brillante que pour éviter de nous parler de la vraie douleur, sans doute centrale dans la personnalité du réalisateur. On a en effet le droit de penser qu'Almodóvar n'a pas su aller jusqu'au bout de l'exorcisme possible de ses jeunes années noires (l'oppression, y compris sexuelle, des collèges catholiques) ou colorées (la movida et le transvestisme comme révolte politique, mais aussi comme ultime désespoir), et a glacé toute émotion en se retranchant derrière son immense savoir-faire.... [Critique écrite en 2005]