Film passé par la dernière Semaine de la critique cannoise "La Mer au loin" est ce qui m'a fait verser le plus de larmes depuis le début de l'année. Et c'est fou ce qu'il partage d'ingrédients avec son alter ego lacrymal de l'an dernier, "Vivre, mourir, renaître" de Gaël Morel : récit au temps long, trio amoureux, années 90 et sida, tragédie lumineuse et libre, scénario qui impose le hasard des rencontres pour permettre au romanesque de prendre le pouvoir, et j'en passe.
Pour parler plus précisément du film de Saïd Hamich Benlarbi, grand producteur qui confirme après le très beau "Retour à Bollène" qu'il est un réalisateur qui compte, il creuse tout au long de ses cinq chapitres le thème de l'exil, se heurtant en permanence à ces questions : comment un déraciné peut-il trouver une place ? Tous les évènements de sa vie, même les plus heureux, ne seront-ils pas conditionnés par cette souffrance qu'il tente d'enfouir ?
"La Mer au loin" est donc un film sur tout ça mais c'est avant tout un film sur Nour, Serge et Noémie, sur leur AMOUR qui se croise, se partage dans la danse, l'alcool, le sexe, qui refuse les interdits et les limites, sur tous ceux qui ont un jour croisé leur chemin, un film sur le coup de tête de Basile Boli en 93, sur des sommes de détails presque imperceptibles mais qui se substituent avec tellement de finesse à des explications psychologiques ou politiques. Je n'en donnerai que deux exemples : un portrait sur un mur, un chien à la place du passager dans une voiture.
Et forcément un grand film n'existe pas sans de grandes prestations d'actrices et acteurs. Ici Anna Mouglalis et Grégoire Colin sont formidables, et entourent Ayoub Gretaa, débutant au cinéma et dont le sourire m'accompagnera longtemps.