Fake eyes
Les pauses offertes dans la filmographie de Wes Anderson par le détour vers l’animation (avec Fantastic Mr Fox, déjà adapté de Roald Dahl, et L'Ile aux chiens) avaient tout de respirations...
le 3 oct. 2023
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Les pauses offertes dans la filmographie de Wes Anderson par le détour vers l’animation (avec Fantastic Mr Fox, déjà adapté de Roald Dahl, et L'Ile aux chiens) avaient tout de respirations bienvenues, et il en sera de même avec cette série de courts métrages portant à l’écran l’univers foisonnant de l’auteur, dont Netflix vient d’acquérir la totalité des droits. Alors que ses précédents films ployaient sous le trop plein d’une formule (casting pléthorique, multiplication des récits, des formats), cette série va permettre au cinéaste de lever le pied. Le nombre de personnage est drastiquement réduit, les décors assez minimalistes et les récits courts, de 37 minutes pour ce Henri Sugar à 17 pour les quatre suivants.
Il ne s’agira pas pour autant, loin s’en faut, de renoncer à l’univers visuel qu’il a forgé depuis une vingtaine d’années : Wes Anderson s’amuse plutôt à fusionner un format nouveau et un récit préétabli à son propre monde. Le parti-pris consiste ici à exhiber de la manière la plus explicite qui soit l’adaptation de l’écrit : en constant regard caméra, les personnages récitent, pour ainsi dire, la narration, allant jusqu’à ajouter les « dis-je » après leurs répliques, ou parlant d’eux à la troisième personne. Un effort de distanciation qu’on retrouve dans une écriture dramaturgique optant pour les changements à vue (de décor, de costume, voire de maquillage), la caméra souvent rivée à un plan fixe au sein duquel les panneaux coulissants et les accessoiristes viennent garantir l’évolution du récit.
L’exercice de style peut aller très loin (dans Le Preneur de rats, on tient des objets imaginaires dans les mains), mais n’est pas sans charme : la langue anglaise garde toute sa saveur, et la parfaite diction des différents protagonistes ajoute à l’orfèvrerie visuelle, particulièrement dans l’histoire d’Henri Sugar, où le mécanisme des récits en abyme creuse l’image d’une nouvelle s’interrogeant sur la capacité à voir les yeux fermés. Cet idéal magique d’une vision extralucide trouve ainsi son pendant dans une machinerie qui ne cesse d’exhiber ses rouages, et atteste du plaisir artisanal d’un créateur à la bâtir. Alors que les courts suivants (surtout le Preneur de rats et Le Cygne) visitent la cruauté noire que Dahl n’avait pas hésité à traiter et fonctionnent sur une concision parfois austère, Henri Sugar gagne en ampleur par sa capacité à naviguer entre les couches narratives et s’inscrire dans la durée d’un récit de vie. Dans ce conte où le détenteur d’un savoir secret fera de son don une activité bienfaisante et clandestine, Wes Anderson poursuit pertinemment son œuvre, construisant un écrin sémillant au dévoilement d’une bonté encore existante chez l’être humain.
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Créée
le 3 oct. 2023
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