La Mine du diable
6.8
La Mine du diable

Documentaire de Matteo Tortone (2021)

Peu après « Si tu es un homme » (1er mars 2023), de Simon Panay, sort « La Mine du Diable », de Matteo Tortone. Les deux documentaires accompagnent un enfant, pour le premier, un adolescent, pour le second, dans sa descente au cœur d’une mine d’or. Mais le premier nous emmenait sur le continent africain, au Burkina Faso, alors que le second nous entraîne en Amérique du Sud, vers les hauteurs andines de la mine de La Rinconada, au Pérou. Une mine qui, située sous le Glacier Auchita, aussi appelé « La Bella Durmiente » (« La Belle Endormie »), se pénètre d’abord à l’horizontale, avant d’explorer vers le haut et le bas les entrailles de la montagne. On comprend qu’un tel lieu, perché à 5100 mètres d’altitude, ait favorisé le développement de légendes, de croyances, de rituels…

C’est cet insondable de La Rinconada que le réalisateur et coscénariste italien, ici secondé par Mathieu Granier, a souhaité explorer. Dans un noir et blanc qui délocalise et universalise l’action, en même temps qu’il la désamarre de la réalité documentaire et lui fait plus aisément rejoindre le fantastique, on suit le jeune Jorge (José Luis Nazario Campos), de la banlieue de Lima, où il exerçait laborieusement le métier de moto-taxi, à la ville andine de La Rinconada, non loin de la frontière bolivienne. Sur un rythme par moments assez lent et toujours très fascinant, comme happé par une autre dimension à laquelle nous conduit naturellement la musique d’Ivan Pisino, on assiste aux premiers contacts avec la mine et la petite ville, ainsi qu’à la distension du lien avec les proches laissés en contrebas.

D’après le récit de José Luis Nazario Campos lui-même, la voix off de Denzel Calle González, qui a la douceur hypnotique de celle de Patricio Guzman dans ses documentaires, mais un timbre légèrement plus aigu, nous introduit à la dimension ethnographique du lieu, rend audible ce qui n’est pas visible, parfois en prolepse sur le récit, dévoile les croyances, les superstitions, et toutes les raisons pour lesquelles La Rinconada est surnommée « la mine du Diable ». Prennent ainsi sens sous nos yeux les énigmatiques figures du Carnaval, les non moins mystérieux mannequins représentant les mineurs, mais aussi l’inquiétant Diable à la peau pâle censé arpenter les profondeurs de la mine et exiger des sacrifices, volontiers humains. Les nombreux plans nocturnes ou enfoncés dans la mine, à la seule lueur des torches individuelles surmontant les casques, achèvent d’entraîner le spectateur loin des lumières de la raison et de l’immerger dans un bain de nuit et d’irrationnel.

En moins d’une heure et demie, grâce au montage resserré d’Enrico Giovannone qui ne craint pas l’ellipse, le spectateur se retrouve autant envoûté que le mineur qui ne parvient plus à se dégager des galeries minières et s’acharne à découvrir la veine aurifère exceptionnelle qui fera sa fortune, quitte à y perdre la vie, et à tout le moins sa liberté.



Critique également disponible sur Le Mag du Ciné : https://www.lemagducine.fr/cinema/critiques-films/la-mine-du-diable-de-matteo-tortone-a-la-recherche-de-la-veine-mere-10056584/

AnneSchneider
8
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le 23 mars 2023

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Anne Schneider

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