En choisissant de filmer la biopic d’une artiste aussi exceptionnelle que pittoresque, on pouvait penser à une démarche purement mercantile. Le matraquage médiatique opéré depuis quelques semaines n’étant pas là non plus pour rassurer. De plus, on garde tous en mémoire le maladroit « Edith et Marcel » de Lelouch dont le côté sirupeux et pompier venait assommer même les plus fidèles du réalisateur. Filmer Piaf c’est s’attaquer à une espèce d’icône sacrée du patrimoine international de la chanson où chacun y trouve l’émotion dans la voix, l’interprétation, le texte ou la musique.
Olivier Dahan s’attache au destin de cette femme. Brisant la perspective de la bio chronologique, il assemble des séquences de morceaux de vie, à la manière dont on feuillette un catalogue de chansons. Il ne retient que ceux qui parlent à son vécu, à ses perceptions sentimentales. Il n’entrevoit Piaf beaucoup comme plus comme une femme que comme l’énorme vedette qu’elle était, avec sa rudesse, sa fragilité, son charisme ravageur et ses nombreux paradoxes. Il lui porte un indéniable attachement et restitue cette complicité avec beaucoup de pudeur, de générosité et d’amour sans jamais tomber dans l’excès ou la sensiblerie. La déstructuration du récit accentue la force de sa mise en scène. Il signe là un vrai film d’auteur sur lequel on peut s’opposer, certes, mais qui provoque le respect. Il sait vous transporter aux tréfonds d’un destin dramatique inexorable avec énormément d’élégance et de talent.
Mais cette détermination aurait été vaine s’il n’avait su trouver en Marion Cotillard une interprète d’exception. Désincarnée, elle est habitée par le rôle jusqu’au bout des ongles. Elle domine le film, lui donne une vraie profondeur en émotions de tous ordres et l’exhorte à le rendre sublime.