On a un peu oublié de nos jours que le film de montagne a été au début du XXème siècle, un véritable genre en soi, à l'égal du western aux Etats-Unis. Un genre purement européen né dès le début du cinématographe dont le décor, généralement alpin, en est le point commun. Mais ce sont les allemands dans les années 20 et 30 qui marqueront le sommet du genre. Arnold Fanck représente presque à lui seul le genre, à l'égal de Sergio Leone pour le western spaghetti. Ce géologiste de formation transmettra sa passion pour la montagne dans tous ses films; d'abord documentaires puis de fictions. "La montagne sacrée" est son film le plus connu et marquera non seulement l'histoire du cinéma, mais aussi à son grand malheur l'histoire tout court.
A la fin de la première guerre mondiale, le naturisme devient un phénomène de mode en Allemagne où il est presque une politique de santé nationale. Les valeurs du sport et d'un corps sain en harmonie avec la nature sont encouragées par les praticiens et certains milieux artistiques influents de l'époque. Lorsque "La montagne sacrée" arrive dans les salles allemandes, il illustre parfaitement l'esprit du phénomène et connu un grand succès, lançant le genre auprès du grand public.
Arnold Fanck mettra un an et demi à tourner son film, majoritairement en décors naturels, mais aussi quelques plans furent reproduit en studio aussi. Cet aspect documentaire de la montagne reste aujourd'hui le principale attrait du film. Dans la longue séquence de la course, Fanck joue des traces dans la poudreuse pour faire un film très graphique reprenant les codes du cinéma expressionniste de l'époque. Il est aussi, de fait, un pionnier dans le film de sport extrême, en filmant des sauts à ski au ralenti ou en embarquant avec lui et sur ses propre ski, une caméra sur les pentes alpines tel une GoPro ancestrale.
L'engouement du public pour ces vues vient aussi du fait que l'alpinisme et les sports d'hiver était encore à cette époque réservé à une élite fortunée. Peu de gens avaient vu les montagnes depuis ses sommets. Mais la force de Fanck a été d'en montrer aussi ses dangers, donnant à ses films une tension plus captivante auprès du public.
L'arrivée de Leni Riefenstahl dans les films de Fanck apporta un peu de féminité à ses réalisation, qui étaient jusque là très virile dans un domaine exclusivement masculin.
Alors jeune danseuse d'à peine 20 ans, Riefenstahl rencontre Fanck dont elle a admiré un de ses films au cinéma et séduit le réalisateur, qui lui écrit immédiatement un scénario sur mesure. Ce scénario d'un triangle amoureux reflète en fait, la réalité sur le plateau de tournage, où l'actrice débutante entretien une relation avec le cinéaste, mais aussi avec son partenaire l'acteur Luis Trenker. Riefenstahl deviendra l'interprète de tous les films du réalisateur jusqu'en 1933, elle sera sa muse et lui son mentor. Lorsque celle-ci passera derrière la caméra, son style sera tel une suite naturelle à l'oeuvre de Fanck où le corps humain sera en plus mis en exergue ("Les dieux du stade"). Malheureusement ce style deviendra un symbole de la propagande nazi. Le mouvement de Hitler ayant détourné à son profit l'esprit pacifiste du mouvement naturiste à des fins raciales... et malheureusement tel un boomerang, l'histoire reviendra ternir l'image de ce film, que l'on ne peut plus détacher du mouvement nazi, dont il a malgré lui influencé l'image propagandiste.
En essayant de resté objectif, que reste-t-il aujourd'hui de "La montagne sacrée"?
D'abord un scénario devenu désuet et une introduction au bord de la mer avec des numéros de danses qui le sont tout autant. L'intérêt reviens lorsque la montagne arrive dans le film, d'abord de façon documentaire (la vie à la montagne de l'époque) puis de façon esthétique (la course de ski). Leni Riefenstahl surjoue son rôle de façon théâtral, tel que l'usage était encore à l'époque et restera frustrée de n'avoir pu aller tourner des séquences en haute montagne. Si on ne peut plus considéré le film comme une totale réussite artistique, il reste comme un marqueur important de son époque, qui aura gravé l'histoire du cinéma allemand.

Jean-FrancoisS
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le 11 août 2018

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