Le premier film dans lequel Leni Riefenstahl est créditée en tant qu'actrice, c'est un événement un peu particulier. Il y avait eu Force et beauté en 1925, mais sa contribution en tant que danseuse (une de ses formations initiales) était mineure : ici, devant la caméra d'Arnold Fanck, elle occupe le premier plan aux côtés de deux hommes qui forment l'autre pôle d'un triangle amoureux perché dans les Alpes. L'occasion de se replonger dans une mode cinématographique européenne du début du XXe siècle, le film de montagne, quand bien même la perspective principale ici est structurée autour de la tragédie romantique.


On pourrait voir La Montagne sacrée comme le premier volet d'un diptyque autour de tragédies montagneuses formé avec L'Enfer blanc du Piz Palü, réalisé également par Fanck en collaboration avec Georg Wilhelm Pabst 3 ans plus tard (et dont le charme s'est mieux maintenu dans le temps il me semble). Elle interprète ici une danseuse professionnelle qui se retrouve au centre d'un quiproquo sentimental, un faux triangle amoureux émergeant d'une interprétation incertaine : tandis qu'elle semblait proche du personnage plus mûr de Ernst Petersen, ce dernier la surprend en compagnie du plus jeune joué par Luis Trenker pour qui elle manifeste des gestes d'affection. Ni une ni deux, une tempête de jalousie se déclenche et voilà les deux mâles embarqués dans une course d'alpinisme périlleuse à la vie à la mort.


Plusieurs passages marquants jalonnent ce récit, à commencer par les épreuves de ski en montagne filmées de manière étonnamment dynamique pour l'époque (la plupart des scènes en extérieur ont été tournées en montagne, pendant un an et demi, et certaines sont impressionnantes), avec des professionnels et même une sorte de plan à la GoPro fixée aux skis avant l'heure. Mais le temps fort du film se situe dans l'ascension finale, épreuve furieuse d'alpinistes en folie qui se terminera par la chute de l'un, retenu dans le vide par l'autre via la corde (une inspiration pour Cliffhanger à n'en pas douter). Une tempête éclate, l'occasion pour l'un d'eux de partir dans un délire hallucinatoire, à la limite du fantastique surréaliste tandis qu'il rêve d'un mariage dans un palais de glace. Le jeu de Riefenstahl est un peu étrange dans ses aspects surannés, autant dans la danse que dans les tourments sentimentaux, mais se trouve agréablement compensé par de nombreux jeux de symboles — un montage opposant la mer et la montagne, un dualisme autour des figures féminines et masculines, ainsi que de nombreuses surimpressions suggestives.


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Morrinson
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le 24 oct. 2024

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