Humour noir chez les rouges

Une comédie noire et historique qui met en scène le régime soviétique des années 1950, j'étais forcément très client.

"La mort de Staline" (adapté de la B.D éponyme que je n'ai pas lue) reconstitue les jours qui ont suivi le trépas du "Petit père des peuples" et nous raconte les luttes intestines pour le pouvoir opposant différents prétendants (Nikita Khrouchtchev, le général en chef des armées, le chef de la police secrète soviétique, différents ministres...), le tout dans un climat de paranoïa aiguë.
Le film est un pari en partie réussi mais qui laisse tout de même le spectateur sur sa faim.

Oui, "La mort de Staline" est souvent drôle. De grands moments d'humour situationnel nous sont offerts, comme le sketch de début autour de l'enregistrement du concert de musique classique.
Avec la chape de plomb instaurée par le dictateur moustachu, prendre la moindre initiative sans être sur à 100% de sa compatibilité avec la ligne du parti revient à mettre sa vie en danger, et le réalisateur souligne le ridicule de certaines situations qui tournent à la farce tant la peur et l'incertitude paralysent l'ensemble des responsables, à tous les niveaux. Mon petit coup de cœur va aux deux pauvres gardes du bureau de Staline à qui on a demandé de ne pas quitter leur poste pendant le constat du décès, et qui sont toujours là deux jours plus tard.
Les dialogues sont finement écrits, et l'absurde britannique transpire à chaque réplique ("Je ne sais plus qui est vivant ou non", "Comment peux-tu comploter tout en courant?"...)
L'hypocrisie et la science du double discours des élites soviétiques sont également savoureuses, et atteignent leur paroxysme dans la fameuse scène où, faces au corps inanimé de leur guide, les cadres du partis dissertent de la nécessité ou non d'appeler un médecin, tous espérant secrètement le trépas du tyran sans oser le formuler.
Le réalisateur réussit un certain tour de force en présentant les protagonistes comme des enfants, jaloux, chamailleurs, capricieux, mais dont les actes et les complots ont des répercussions tragiques, représentées notamment par des scènes de torture, d'arrestations et d’exécutions. Ces vieux bourreaux juvéniles jouissent donc d'un capital sympathie surprenant !
Le problème vient d'une certaine perte de rythme dans la seconde partie du film, qui s'éparpille dans des sortes de "sous-intrigues" pas bien intéressantes (les enfants de Staline, entre autres), compensée par un aspect très "bavard". Du coup, on s'ennuie un peu, et on ne rit pas autant qu'on le souhaiterait, la faute à des vannes parfois trop lourdes qui ont du mal à égaler la noirceur et la satyre des débuts du film.
La réal sert plutôt bien le tout, avec des plans symétriques parfois un peu "Wes Anderson - like" qui renvoient bien les protagonistes à leur nature de marionnettes un peu pathétiques. Rien de bien remarquable ne ressort jamais de ce côté là, en tout cas.

Au final, "La mort de Staline" transforme avec succès un "fait divers" historique en une comédie grinçante et plaisante à suivre, bien que trop bavarde et parfois un peu lourde.

6,5/10