Reservor Dogs au Kremlin
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Adapté de la bande-dessinée du même nom, La mort de Staline se présente comme une comédie, pari en soi audacieux lorsqu’on se remémore l’ambiance particulièrement anxiogène et paranoïaque qui règne sur l’URSS en 1953.
Il n’est pas nécessaire de pousser bien loin la réalité pour qu’elle dérive vers la farce grotesque, dans un monde où les purges sont constantes, où la torture délivre un flot quotidien de nouveaux noms et dans lequel chaque dirigeant surveille autant son voisin que ses arrières.
La scène d’ouverture parvient à bien mêler les deux registres : le directeur de la Radio moscovite est ainsi appelé par Staline en personne qui exige un enregistrement d’un concerto qui vient d’être joué live. Il se voit contraint à replacer tout le monde de force pour rejouer le concert, quitte à chercher des spectateurs dans la rue pour éviter que l’écho ne trahisse le départ du plus grand nombre. Cette urgence, ces gags tirés de la panique, le branle-bas de combat pour un enjeu anecdotiques nourrissent habilement la comédie.
L’humour se fait plus noir lorsqu’on plonge dans les geôles où Beria alterne torture et viols organisés, la dénonciation consistant à saturer d’horreur les arrière-plans tandis que l’action dialoguée se déroule au premier. S’en suit toutes les intrigues sous tensions pour désigner le successeur du dictateur, le tout dans une ambiance de protocole qui consiste à la fois à faire bonne figure aux yeux du monde tout en faisant le grand ménage dans les coulisses.
Le film est enlevé, les gags sont réguliers, l’interprétation est souvent à la hauteur entre ces vieux mâles aux abois, et l’atmosphère délétère à souhait.
Comment expliquer, dès lors, que la mayonnaise ne prenne pas ?
Le fait que le film soit en langue anglaise peut constituer un premier élément de réponse : on a du mal à s’y faire, et c’est le premier coup porté à l’immersion. Mais c’est surtout dans sa tonalité qu’il échoue. Alors que la bande-annonce laissait présager une comédie plus absurde, fondée sur un langage visuel et proche du théâtre, le film se révèle verbeux, soulignant assez lourdement chacune de ses vannes, dont la plupart ne fonctionnent pas vraiment. La comédie devrait fonctionner par décalage et insuffler une forme d’insolence, particulièrement dans ce cas où le sujet est grave. Ce qui pèche, c’est justement son systématisme et la pesanteur avec laquelle chaque situation donne lieu à une caricature ou un comique de situation qui semble plaqué.
En résulte un film trop long, qui a bien du mal à garder un cap, déviant vers la reconstitution historique un brin classique, mal rythmé, et perdant progressivement tout ce qu’il pouvait avoir d’impertinence. Comme si les vieux à l’écran parvenaient effectivement à remporter la partie.
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Créée
le 27 mai 2018
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