Il convient de ne pas être adepte des films généreux en explications pour se laisser emporter par la brume qui enivre le film de Philip Haas. En évinçant, certainement de façon volontaire, toute une partie du livre qu'il adapte, il choisit de ne donner aucune piste qui pourrait aider à comprendre l'attitude des personnages qui essayent d'y sauver leur peau. C'est un peu perdu, en tout cas un peu passivement, que l'on assiste à l'emprisonnement des deux larrons qui se sont rencontrés en début de bobine, persuadés d'aller plumer au Poker deux milliardaires malhabiles aux cartes. Les choses ne se passent pas comme prévu et le piège que les deux pigeons supposés semblent avoir prémédités se referme alors sur leurs deux victimes. Tel est pris qui croyait prendre.

Dès lors, c'est une guerre des nerfs qui se joue à l'écran. Plutôt bien gérée dans son rythme, un peu juste par contre dans sa mise en scène, elle terrifie parce qu'elle semble possible. Une propriété entourée de barbelés que le pouvoir de l'argent a érigé de manière à ce que personne ne puisse les enjamber s'il n'y est pas invité. L'autorité des bourreaux prenant les traits d'un pauvre sous-fifre, aucun recours n'est possible pour les deux joueurs victimes d'un coup du sort particulier. Dès lors, une seule question se pose : quand, enfin, les deux hommes vont-ils se rebeller ?

A la fin du film, difficile de tout remettre en place. Si La musique du hasard file à toute allure, en à peine 90 minutes, Philip Haas semble avoir fait le tour de son sujet, il n'a toutefois jamais pris la peine d'apporter quelques éléments de réponse. En lieu et place de pistes de réflexion, c'est l'abnégation de ses personnages qu'il privilégie. Du coup quand la sortie de route se produit enfin, c'est si soudain et peu crédible que l'on en perd un peu son latin. Quant à l'idée de petit malin de terminer la boucle de la même façon qu'elle a été initiée, elle semble renforcer un peu gratuitement le fait qu'il n'y a rien à comprendre, qu'il faut simplement se laisser porter par le côté absurde que peut parfois revêtir la vie. Un peu court en somme même s'il ne manque pas d'intérêt et parvient, dans le même temps, à captiver par son ton gentiment provocateur mais également à agacer par son arrogance.

---
En aparté : c'est amusant par contre de voir Saul (le barbu d'Homeland) tout jeune. Il avait déjà la classe, le bougre !
oso
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste L'ours, Homo Video, en 2014

Créée

le 4 août 2014

Critique lue 519 fois

2 j'aime

1 commentaire

oso

Écrit par

Critique lue 519 fois

2
1

D'autres avis sur La Musique du hasard

La Musique du hasard
Fatpooper
7

La théorie des impairs

Regarder un film sans rien en savoir ça peut faire de belles surprises. Cela n'empêche pas de découvrir de mauvais films, mais quand c'est un bon, le concept paraît plus enchanteur. Je dois dire que...

le 16 juil. 2017

1 j'aime

La Musique du hasard
G_Savoureux
4

Le couac du hasard

Grand fan de l'oeuvre de Paul Auster, je souhaitais absolument voir l'adaptation de ce qui est pour moi son meilleur roman. Vu la confidentialité de ce film, je n'en attendais pas une révolution...

le 27 janv. 2011

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8