L’injustice que relate et répare Snow Falling on Cedars n’a d’égale que celle que lui réserva la critique à sa sortie en salles. Bouder le génie. Fermer les yeux devant la grâce puis prétendre qu’elle n’y est pas. Le long métrage offre, à qui veut bien le regarder, une puissante expérience sensorielle qui donne à voir et à vivre le racisme au-delà des mots et des discours, quoique l’intrigue se déroule en partie dans un tribunal. C’est que la parole et son absence, ajoutées à la bande originale somptueuse de James Newton Howard, sont utilisées par le cinéaste comme les composantes sonores d’une atmosphère que complète un travail rigoureux de l’image et du mouvement – de la caméra, des corps : leur redistribution irrégulière à l’échelle d’une séquence rythme les pulsations d’un cœur qui bat à l’unisson des réminiscences, des souvenirs et de l’évolution du procès.


Voilà tout un langage qui se réinvente, son essence est cinématographique, il transcrit esthétiquement le cœur d’un homme qui aime et qui retient son souffle à chaque nouvelle révélation. Un homme qui doit dépasser les préjugés qu’il a plaqués sur sa déception amoureuse pour rétablir la vérité et faire triompher la justice. En adaptant le roman de même nom, Scott Hicks investit la guerre en expérience intérieure et se cantonne à la filmer depuis l’intériorité des êtres qu’elle a meurtris : l’entrelacs virtuose des flashbacks nous place dans une zone de turbulences dont nous ressortons bouleversés, la passion non réciproque qu’éprouve Ishmael pour Hatsue évacue les schémas hollywoodiens faciles pour faire éclore un lyrisme poignant et universel.


Snow Falling on Cedars ressemble à un long rêve éveillé, rêve aux allures de cauchemar, au sein duquel même les personnages paraissent évanescents : Ethan Hawke traverse l’œuvre comme un fantôme, sa seule concrétude, au-delà de l’enquête qu’il mène, réside dans son statut de foyer où convergent les rayons narratifs ; Yūki Kudō demeure insaisissable, sa voix nous arrive en échos perturbés, atténués ou amplifiés. Scott Hicks signe un chef-d’œuvre de cinéma, une proposition artistique radicale, inspirée et grandiose.

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le 10 août 2021

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