La Neuvième Porte par toma Uberwenig
La Neuvième porte est un film qui a tout pour plaire sur le papier. Malheureusement, La Neuvième Porte n'en est pas moins un film loupé.
Pourtant, Roman Polanski a prouvé à travers Rosemary's Baby, le Locataire et Répulsion qu'il était capable de maîtriser tant les ambiances tendues que les codes du cinéma d'épouvante au sens large. C'est d'ailleurs du coté de Rosemary que le film lorgne, avec lequel il partage certains éléments thématiques et structurels.
Alors pourquoi La Neuvième Porte tient-il de l'échec ?
A sa sortie, j'avais été choqué par la platitude insultante des effets spéciaux, renvoyant par moment au Dracula de Dario Argento, le final du film basculant malheureusement vers le ridicule pour qui n'a pas réussi à faire l'effort de rentrer dans le film, ravalant au passage les efforts de Seigner au rang d'emphase grimaçante.
Le problème ne vient pourtant pas de l'actrice, qui a non seulement un physique parfaitement adapté à son rôle, mais en plus le gère plutôt bien.
On pourrait incriminer les quelques scènes ridicules qui parsèment le film, comme le devil kick de la belle Emmanuelle, ou le coup du code "secret" pour entrer dans la bibliothèque entre quelques autres pépites de lourdeur, de maladresse et de mauvais goût. Et elles pèsent dans la balance, pour sûr. Mais l'essence du problème est ailleurs, et elle est simple : Polanski ne semble tout bêtement pas investi par son sujet.
On le sent dès le début du film à sa façon mécaniste de poser l'univers des livres de collection, d'égrainer ostensiblement quelques références en guise de licence qualitative. Mais l'illusion ne prend pas et le fait que la plupart des spécialistes se contentent d'appeler le Diable par différents petits noms, affirmer qu'ils ont passé leur vie soit à collectionner les livres, soit à étudier l'oeuvre démonique tombe systématiquement à plat.
Alors que Polanski avait un matériau en or, fantasmatique à souhait, à aucun moment la fascination ne prend.
Et sans l'ambiance, il ne reste qu'une enquête aux ficelles énormes, au déroulement on ne peut plus convenu, avec un final que l'on devine durant la première demi heure du film, et qu'on nous sert néanmoins comme une Révélation...
Et pourtant...
Pourtant je ne sais pas pourquoi, mais ce film me plait aujourd'hui. Mon sens critique serait-il émoussé (je me souviens de ma déception originelle lorsque j'avais vu le film au cinéma à sa sortie) ? Peut-être. Néanmoins, malgré tous ses défauts, il reste malgré tout un je ne sais quoi qui résonne, une trace d'envoûtement, au détour d'une rue déserte d'Italie, d'un quai parisien, d'un gros plan sur un moustachu goguenard, qui réussit à lier un tant soit peu la sauce.
Les références au folklore ésotérique sont glissée à la fois de façon ostensible, mécaniste, et en même temps sans être relevées lourdement par les personnages, entre la présence des symboles du tarot dans les gravures démoniaques, l'omniprésence de diverses incarnations "classiques" du diable, on sent malgré tout une volonté de transposer l'imagerie littéraire du fantastique, malheureusement qui tombe à plat la plupart du temps (eh oui, Polanski devrait le savoir, le cinéma et la littérature sont deux media aux codes et modes opératoires différents, et transposer des éléments de l'un à l'autre suffit rarement). Pourtant, à terme, quelque chose de certes fragile mais néanmoins bien présent se construit, pour qui accepte de dépasser les défauts du film (et c'est pas facile, je sais!!).
C'est la troisième fois en quinze ans que je regarde la Neuvième Porte. Non pas par masochisme, ce que certains ne manqueront pas de penser, mais simplement parce que malgré le fait qu'il loupe le coche de façon aussi tristement flagrante, j'aime bien ce film.