Triste signe que la sagesse ne vient pas toujours avec l'âge, non seulement Susan Pevensie (toujours Anna Popplewell) est devenue enseignante avec le temps, mais en plus, elle se met à faire de l'œil au fadasse Maurice (toujours Jonas Bloquet), qui sert d'homme à tout faire dans son pensionnat. Evidemment, comme Maurice trimbale toujours avec lui un démon légèrement encombrant, il commence à se passer des choses bizarres dans le pensionnat. Et Susan (qui s'appelle maintenant Kate) va découvrir à ses dépens que, quand ses frangins ne sont pas là, il vaut mieux laisser fermée la porte de l'armoir magique...


Un film d'horreur est une comédie. En effet, dans tout film d'horreur se noue une nécessaire complicité entre le créateur et le spectateur. De cette complicité découle une proposition souvent ludique, une sorte de jeu du chat et de la souris auquel ils se prêtent tous les deux. Conscient d'être limité dans ses moyens d'action, le réalisateur doit s'attirer impérativement la sympathie du spectateur afin que celui-ci accepte de bonne grâce de ressentir de la terreur là où il n'y a que des artifices de mise en scène. Conscient de se faire jeter de la poudre aux yeux, le spectateur se met volontairement dans une posture désagréable pour lui, en bonne victime consentante. La plupart du temps, cette complicité s'établit par le biais de l'humour, au travers de dialogues amusants, de personnages hauts en couleur, et autres détails cocasses. Les scènes d'horreur en elles-mêmes sont d'ailleurs souvent des sommets d'humour, tant la nature de la menace, sa provenance, et sa manière de se manifester, peuvent donner lieu à une surprise absolue chez le spectateur. Quand le film est bien fait, cette surprise prend autant la forme de l'effroi que du rire. Il y a chez le spectateur un mélange et un décalage entre l'horreur de ce qu'il a vu et le sentiment amusé de s’être fait avoir par un jumpscare bien pensé.

Mais parfois, le sentiment de s'être fait avoir vient d'ailleurs... C'est la frontière ténue entre la comédie et le nanar. Autrement dit, c'est là que réside la limite entre La Nonne et La Nonne 2. Là où le film de Corin Hardy impressionnait par sa maîtrise de l'humour sérieux inhérent au genre et de la référence cinéphile, le film de Michael Chaves éblouit par son absence quasi-totale de talent. L'homme qui avait déjà massacré Conjuring détruit alors toute la démarche ludique qui faisait le sel du premier film.


À force de ne pas savoir choisir, le réalisateur et ses scénaristes n'aboutissent qu'à une chose informe, dépourvue de toute forme d'humour, et encore plus d'horreur. En témoigne la scène où Sophie, coincée dans une chapelle en ruine, voit s'animer une statue sous un drap. Évidemment, le drap tombe, et l'on s'attend avoir apparaître ou bien le démon, ou bien la statue, dans une fausse alerte qui aurait pu être amusante. Ici, c'est les deux à la fois. Le visage du démon apparaît fugitivement pour ne révéler finalement que la statue qui s'écroule. À cette image, ça l'ensemble du film qui souffre d’un ton hybride détruisant tout intérêt.

Ainsi, de ton ludique ou de comédie cachée, il ne peut être question dans La Nonne : La Malédiction de Sainte-Lucie. Le premier degré effarant avec lequel Michael Chaves compose son film démolit tout sur son passage, emportant les quelques qualités qui auraient pu susciter l’adhésion. On l’avait déjà vu à l’œuvre sur La Malédiction de la dame blanche, mais celui-ci avait pour sa défense le fait d’être une œuvre indépendante, et de bénéficier d’une modestie qui est ici aux abonnés absents.

C’est dommage, car sur le plan visuel, le film surnage plutôt bien. La photographie de Tristan Nyby, quand elle n’est pas massacrée par un montage aux fraises, fait preuve d’une belle élégance, et le cachet visuel de la saga est bien présent. Mais il est dommage que le plus beau plan du film soit au tout début, quand la silhouette de la nonne maléfique est projetée sur la façade d’une église et se réduit jusqu’à se confondre avec celle d’un homme qui marche au milieu de la rue…


Dès lors, puisque les acteurs n’ont à jouer que des dialogues d’une indigence absolument scandaleuse, rien ne vient faire honneur à leur talent. On le regrette d’autant plus qu’Anna Popplewell démontre une nouvelle fois que son charme dépasse largement des dents un peu trop voyantes et que la fraîcheur de Taissa Farmiga fait encore une fois mouche à l’écran. Mais leur partition, aussi juste qu’elle ait pu l’être, tourne dans le vide, faute d’une vision artistique digne de ce nom du côté de la direction.

On préférera ne pas s’étendre sur un scénario qui ne réussit qu’à dépasser en bêtise celui du premier film (seul point noir du volet précédent, et encore, ça pouvait se justifier). Mais on signalera les deux plus gros gâchis que sont les deux créatures maléfiques du film. La nonne ne passe guère que faire un petit coucou de temps en temps, sans jamais occuper l’écran à sa juste valeur, un gâchis d’autant plus gros que ses apparitions confirme son potentiel de trouille absolument dément. Et le nouveau venu aurait pu être génialissime si la caméra lui avait fait un tant soit peu l’honneur de nous le montrer. Sorte de bouc probablement sur deux pattes, assez conformes à une imagerie aussi joliment désuette que traditionnelle, ce nouveau démon (dont on ne sait s’il est une autre itération de Valak ou la forme d’un autre démon) est plus que convaincant et son apparition est plutôt maîtrisée. Mais dès qu’il se met en mouvement, on soupire.

Il faut dire qu’on passe son temps à soupirer dans ce film, quand on ne se tape pas une franche barre de rigolade devant un scénario aussi incohérent. Si on mettait des éoliennes dans les salles de cinéma diffusant La Nonne : La Malédiction de Sainte-Lucie, on produirait suffisamment d’énergie pour les 50 ans à venir…

Mais il est dit que Valak entravera même les progrès écologiques que l’humanité essaye vaguement d’entreprendre aujourd’hui. Tant pis, en l’absence de Valak, on se contentera de continuer d’endurer la présence de Sandrine Rousseau sur nos écrans.


Tonto
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le 19 sept. 2023

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Tonto

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