Il y a sûrement autant de façons de rendre plat et routinier un film à base de zombies que de films balourds officiant dans cette catégorie. La nuit a dévoré le monde a trouvé une méthode efficace et éprouvée : le drame à la française, plus précisément le drame de chambre ou drame de pouète-pouète maudit amoureux transi - ou mélancolique.


Ce n'est pas un essai typique dans le registre comme La horde. La lourdeur (sinon débilité) des cinéphiles spécialisés à réclamer du conventionnel en le nommant 'de genre' aura donc encore une occasion de se manifester – pour être frustrée. C'est plutôt La route à huis-clos, mais plus proche du livre d'une pesanteur infinie que de son adaptation. Sur le viscéral au propre comme au figuré, le résultat est palot.


La recette inclus un peu de réalisme français pour soutenir le dégraissage poétique – de ce réalisme plan-plan, axé petites choses, jamais trop concerné par l'environnement, seulement obsédé par les remous d'esprit et ressentis dans le contexte. On se fout de la nature objective de la réalité ou de ce qu'elle contient, tant qu'elle n'est pas sous les yeux ou dans les replis des états d'âmes de héros pudiques mais tourmentés. Mais ça aussi n'est jamais approfondi – comme ce serait odieux – ce sera simplement démontré avec régularité.


Tout Paris a été quasiment retourné en une petite nuit, c'est normal. Tout est vidé dès le début, comme si les zombies avaient en plus fait le ménage, oui peut-être. Pas de réaction venant de l'extérieur, bien entendu. Quelle importance ? La nuit est un film sensible, ne fait pas dans le documentaire ou l'anticipation.


Dès le départ tout était clair. Ça allait être un film de zombie à la française, mais horreur, fantastique, zombie, épidémies, révolution ou requins enflammés, tout ça ne compte pas – ce qui compte c'est le héros, un héros français. Il ne saurait être autre chose que cet homme taciturne et ému (avec cette discrétion particulière, affichée), parisien de fait et vadrouilleur dans son cœur, affublé d'une grosse barbe courte et avec en bandoulière ses aspirations artistiques [comprendre musicales, spontanéistes ou larmoyeuses].


Dans l'ouverture il débarque dans une soirée pour trouver une espèce d'ex-amante (et future ?), fait sa crise d'éploré implorant (en sourdine et en le maquillant) puis très vite se cache (en se traînant et laissant apercevoir un peu). Quand la catastrophe survient, il ne s'informe pas sur l'événement. Par contre il consulte les répondeurs avec messages vocaux triviaux. Plus tard des enregistrements audio de gamins le réconforteront. Au bout d'une demi-heure (de séance - oui le produit compte et c'est lui l'important, encore une imbécillité pour les fins esprits naturellement), le voilà jouant de la batterie. Car il faut profiter de la vie même quand il n'y a plus rien.


Forcément notre héros ne plante pas les zombies – ce n'est pas que ce soit difficile, ce n'est peut-être même pas immoral, c'est simplement trop mesquin (et trop évident – ne tombons pas dans les sots clichés !). Des inhibitions doivent se lever quand tout autour s'effondre – mais les siennes étaient sans doute ailleurs. Son attitude exige une discipline. Elle donne quelques trucs doucement farfelus, comme ses moments avec l'otage de l'ascenseur (probablement sauvés par le choix de l'acteur). Sam essaie de garder son humanité, profite du désert pour donner de l'espace aux choses qu'il aime ; ses prises de risque inutiles voire ses égarements se comprennent. Il doit soutenir sa vitalité. Mais il est trop enfoncé dans ses sentiments et perpétuellement. Il ne prend quasiment aucune mesure profitable or de son souci de bien-être subjectif. Tout au plus il récolte de l'eau sur les toits – le seul élément qui l'intéresse, comme quoi son univers a le mérite de la cohérence. Il n'essaie rien même quand il en a les moyens. Les soumis déguisés en masos et les humbles forcenés trouveront encore de la beauté là-dedans. Quand il tire enfin, c'est sur un humain (après une tentative sur lui). Tragique – décidément il n'est fait que pour un style précis de sauvagerie.


Voilà donc une incursion en territoire zombie pour public féminin ou débordant d'émotivité à projeter. Un brave film sur la solitude comme on en fait tant (Oslo 31 août était d'une autre sorte), donnant dans la posture 'minimaliste et puissant' – donc plaquant une musique atmosphérique profonde sur un mec cuisant ses pattes dans un plan d'ensemble dégoulinant de compassion et de sobriété. C'est la version intimiste de l'espagnol Extraterrestre plus qu'un film véritablement existentiel. Il a une qualité essentielle : son intégrité (elle cautionne ses angles morts et discrédite les impressions qui ne la rejoignent pas). Les groupies pourront apprécier les quelques scènes torse nu de leur homme français idéal au moins en estime – jeune et joli, tellement romantique malgré son évident masque d'individualisme. Ceux qui ne seront ni sous le charme ni identifiés à ces vues de l'esprit et cette façon d'être se diront que le type aurait été exterminé dans Walking Dead où les rôdeurs ne courent pas.


https://zogarok.wordpress.com/2018/09/04/la-nuit-a-devore-le-monde/

Zogarok

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