Un film de zombies/infectés français, c'est déjà rare mais alors si celui-ci est de qualité et qu'il semble imprégné de l'esprit de la nouvelle de Richard Matheson, "Je suis une Légende", on reste un peu baba devant un tel miracle !
Sam passe récupérer des affaires chez son ex-petite amie alors qu'une fête gigantesque a lieu dans l'appartement parisien de cette dernière. Comme l'hôtesse est trop accaparée par ses invités, il décide de s'en occuper lui-même mais s'assoupit dans une pièce à l'écart. Au petit matin, Sam vit le réveil le plus difficile de tous les temps en réalisant qu'une épidémie a transformé la population en morts-vivants affamés de chair fraîche...
La nuit a peut-être dévoré le monde mais la solitude va peu à peu engloutir Sam. Dominique Rocher nous invite donc à suivre le quotidien post-apo de son personnage principal retranché dans un immeuble parisien. Il va en découler un point de vue assez unique dans le sens où les décors créent un sentiment de familiarité instantané par leur architecture très française et forcément commune à bon nombre de villes de notre pays. Le processus d'identification du spectateur à Sam s'en retrouve ainsi immédiatement facilité et la réalité très terre-à-terre et quasiment muette (les infectés n'émettent bizarrement aucun bruit) dans lequel il évolue malgré la situation extraordinaire finit d'achever le travail.
De l'exploration sous tension des autres appartements de l'immeuble (et les découvertes macabres qu'elle implique) aux occupations plus légères comme le paintball sur infectés, la vie de Sam pendant cette dangereuse épidémie nous parle sous pas mal d'aspects et quand la solitude devient trop lourde à supporter, la douleur émanant du personnage n'en devient que plus perceptible.
Lorsque celle-ci le pousse à se mettre en danger juste pour retrouver un semblant de compagnie, on commence à déceler la dangereuse pente de la folie sur laquelle se trouve Sam, une folie qui atteindra son point culminant lors de la seconde partie dans un rebondissement dont on devine rapidement la finalité mais que le film trouve le moyen de nous faire oublier en cours de route pour réussir à créer un semblant de surprise, très fort !
Traversé de moments très poétiques quand le musicien éclectique qui sommeille en Sam se réveille (la scène magnifique en duo avec Golshifteh Farahani), "La Nuit a dévoré le monde" ferait un parcours presque parfait si son héros ne se mettait pas lui-même souvent des bâtons dans les roues (c'est là où la réussite du travail d'identification trouve ses limites, les actes trop irrationnels restent en travers de la gorge) et n'évitait pas quelques longueurs (là encore, elles sont nécessaires pour mieux nous faire comprendre la lente dégradation dans la solitude de Sam mais il nous faut, nous aussi, les subir) en donnant l'impression que le film dure un peu plus longtemps que sa durée.
Mais, allez, oublions ces quelques défauts et ne boudons pas notre plaisir, on parle tout de même d'un film d'infectés français en grande partie réussi, ça n'arrive pas tous les jours ! "La Nuit a dévoré le monde" prouve avec intelligence que le cinéma de genre a encore de beaux jours chez nous, rien que pour ça, il faut s'y ruer !