Adam Kesher n’aime pas le jazz. Il s’en veut un peu, il se dit que merde, quand même, ça craint, il FAUT aimer le jazz, quoi, c’est pas possible. Il a demandé des CD à Sergent Pepper qui lui a fait une sélection aux petits oignons, il a écouté et il s’est fait chier.
Sergent Pepper n’aime pas le cinéma de genre. En fait, il n’y connait rien. Alors il tente, depuis quelques temps, parce que merde, ça craint, il FAUT aimer le genre aussi quand on est cinéphile, quoi, c’est pas possible. Adam Kesher lui a prêté le Blu-Ray de Massacre à la tronçonneuse (sa note : 9, la mienne, 5), Suspiria, (10/7.5) l’a vivement encouragé à voir le chef d’œuvre It Follows. (9/7) Aujourd’hui, donc, UN CLASSIQUE, Halloween.
Hum.
Bon.
L’argument qu’on va forcément me rétorquer, c’est que les reproches que je vais lui faire ne sont pas valides dans la mesure où le film INAUGURE le slasher et que donc voilà, il met en place les règles du genre, et que voilà, moi qui suis arrivé après la bataille, je galvaude ma vision par les parodies que j’ai en tête.
D’accord.
Alors, on y va, regard frais, ouverture d’esprit sur ce film séminal.
Donc en fait, c’est Scream sans la dérision : quand dans le second plan un mec masqué avance, ça fait peur. Le thème musical, répété 549 fois, en est l’indicateur. Ensuite, l’astuce, c’est que on est le soir d’Halloween, d’où un grand nombre de quiproquos, ah-ah-en-fait-c’est-pour-rire-hein-mais-non-en-fait-c’est-pour-de-vrai-mon-Dieu-c’est-horrible.
L’horreur, c’est la béance de l’indicible, qu’on se le dise. Michael Myers, c’est le méchant le plus opaque du cinéma : pas de mobile, pas de tronche, pas de répliques. Un seul but : buter. Soit. Simple, direct, efficace.
Donc, des ados dont la poitrine ou la culotte s’exhibe, teen movie oblige, le mot « totally » en guise de passeport, initiation au dating, l’intello contre les sluts, attention-possible-vision-satirique, un plan séquence augural pour montrer que ce film est garanti avec véritables chunks de réalisateur, un médecin presque aussi flippant que son patient, des portes, des persiennes, des fenêtres, simple, direct, efficace.
Frigide, le Pepper. Putain, le monument quoi ! Djee Van Cleef (9♥) peut m’aider : « l'anarcho-capitaliste d'Hollywood distille des travellings dont il a le secret, créant, en plus d' une icone immédiatement reconnaissable » : bien ça, je m’en doutais un peu. Son pote de benne, l’ordure Zebig, (9♥) essaie de dire la même chose : « Carpenter appuie cette angoisse diffuse par une mise en scène d'une simplicité confinant au génie. », excusant donc « ces longs "plats" un peu ennuyeux avant ces descentes vertigineuses et ces loopings terrifiants. »
[Edit : Adam Kesher a répondu par une critique qui expliquera points par points pourquoi il a mis 10/10 à ce chef d'oeuvre.]
Mais bon, les deux drogués biberonnés aux eighties, aux curlys et au porno VHS ne font pas non plus l’unanimité. Je me désole un peu de savoir que Torpenn (5) lui concède de l’indulgence, ayant « réussi à [m]’ennuyer moins que prévu », reconnaissant « Une ou deux bonnes idées de mise en scène un peu gâchées par une musique Carpenterienne version navet. ». San Felice (4) m’apporte un peu de baume au cœur : « Le talent habituel de Carpenter semble faire long feu dans ce film. », soutenu par Cultural Mind (4) qui me déconseillait encore récemment de le voir sous ma critique scandaleuse de Massacre à la tronçonneuse, et fustige dans ce film « des vices de conception irritants, péniblement irrigués par une mise en scène inégale, globalement plus fonctionnelle qu’inspirée. »
Conclusion : ce genre de film, c’est pas mon genre. Il a beau être fondateur, il fonde un truc dont je me contrefonds. Cette ineptie narrative, ces personnages archétypaux, cette absence de tout fond ne me conviendra jamais. Ajoutons à cela le manque de moyen qui lui vaut l’admiration de ses défenseurs, 4 notes sur un clavier, un plan-séquence, des travellings, d’accord, et me voilà à terre, achevé, mon plaisir charcuté à coup de couteau de cuisine.
J’abandonne.