Avec des éclaireurs qui adoraient ce film, et d'autres qui le détestaient, je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec ce Halloween. A part à un classique du cinéma d'horreur. Et je peux dire, maintenant, que je vois tout à fait pourquoi certains l'adorent et pourquoi d'autres le détestent, car ce film arrive à la fois à être décevant sur certains points, et à être un pur chef d'œuvre sur d'autres.
On va commencer par les points négatifs, par le premier, le plus évident: Michael Myers lui-même. Outre son chara-design franchement réussi, ce personnage est un peu tout le paradoxe du film. A la fois bon, car on sent dans tout le film comment Myers est imprévisible, bestial et malsain, mais en même temps, jamais Myers ne fait vraiment peur en "frontal", ses différents meurtres sont assez soft (et pas très inventifs) et le personnage est au final assez plat. Je vois très bien que Carpenter a enlevé quasi toute humanité et rationalité à ce personnage pour qu'il en soit plus irréel, imprévisible et impalpable, mais force est de constater que si ça marche quand il est hors-champ, ça fonctionne moins bien devant la caméra (même si je le répète, son costume est stylé).
Le second défaut pour moi est le temps que met le film à démarrer. Heureusement, Carpenter gère très bien la tension dans le film (j'y reviendrais), mais même si son savoir-faire est indéniable, et que j'ai été sur les nerfs pendant la majeure partie du film (y compris la première moitié), c'est vrai que ça met vraiment trop de temps à démarrer. A un tel point que j’ai commencé à sortir du film, après 40 mn de rien, mettre de la tension c’est bien, mais si ça ne débouche jamais sur quelque chose d’effrayant, l’effet s’use. Heureusement, le film a vraiment commencé environ 10 minutes après que je sois sorti du film, et il ne m’avait pas trop perdu.
Mais maintenant venons-en aux points positifs. Déjà tout ce qui touche au son dans ce film est vraiment réussi. Les effets sonores sont ultra efficaces, rien que d’entendre la forte respiration de Myers fait monter mon adrénaline, et j’ai en plus remarqué aucun vrai son kitsch/cheap, comme on en a souvent dans les vieux slashers (Les Griffes de la Nuit par exemple). Ce qui reste le plus cool en terme sonore, est bien évidemment la musique, qui arrive, en un nombre de morceaux très limité (ça se compte sur les doigts d’une main), à toujours être dans le bon ton, à toujours provoquer l’effet voulu, et à marcher même au bout de la 20ème fois. J’ai bien sur particulièrement aimé le main theme, que ce soit le morceau en lui-même (culte s’il en est), mais aussi son utilisation très intelligente (dès qu’on l’entend on sait que Myers n’est pas loin, ce qui accentue forcément le stress du fait qu’on ne le voit pas forcément à l’écran), particulièrement dans la première moitié.
Ensuite, et surtout, la réalisation. Qu’est-ce qu’elle est bonne cette réalisation. Que ce soit la mise en scène, la photographie ou les lumières, c’est très souvent un plaisir visuel, tout en étant ultra fonctionnel. Et là aussi, son utilisation est vraiment brillante. Toute la première moitié du film est là pour nous montrer que Myers est insaisissable. Il est toujours là, proche de ses proies, mais il ne se laisse voir que s’il le veut. Il peut disparaitre quand il veut, apparaitre quand il veut, et a une liberté d’action hallucinante. Toutes ces petites scènes de fausse tension, où on voit Myers rôder autour d’une des filles, sans que celle-ci ne le voie, sont peut-être usantes à la longue, mais montrent très bien la facilité qu’a Michael Myers à se trouver proche de ses victime sans que celles-ci ne le remarquent.
Le deuxième point où je trouve la réalisation brillante, c’est sur sa déconstruction des clichés de mise en scène du film d’horreur. Je ne sais pas si c’est vraiment voulu, car Halloween en a peut-être inventé la plupart, mais il est franchement agréable de voir que le tueur en série n’est pas forcément là à chaque coin de couloir, où n’apparait pas tout le temps dans le hors-champ. Tous ces petits mouvements de caméra où on se dit « c’est sûr le tueur est là » et où il s’avère qu’on a raison 90% du temps dans les autres films. Et bien ici, Carpenter utilise à nouveau toute sa première moitié de film pour nous montrer que non. Si il cache un espace, ce n’est pas forcément parce que Michael Myers est là, il peut l’être, mais pas toujours. Et c’est ainsi que pour 10 amorces de jump scare, ou arrivée du tueur, il n’y en a que moins de 3 qui seront vraiment utilisées. Et toute cette destruction implicite, fait qu’à nouveau, quand Myers passe à l’attaque, on recommence à flipper de n’importe quel recoin mal éclairé, de n’importe quel plan serré sur une des héroïnes, ou n’importe quel espace hors-champs. Ce qui renforce un peu plus le coté intouchable de Myers.
On a à côté de ça une photographie que j’ai beaucoup aimé, et qui apporte des plans à la fois terrifiants et somptueux, souvent grâce à une composition de plan ultra maitrisé (que ce soit le visage de Myers entre 2 stores ou sa voiture qui apparait dans le plan juste derrière un personnage), ce qui là aussi nous amène à regarder l’ensemble de l’image, tout le temps, afin de voir où il peut se cacher, où il peut arriver, etc… Pour le reste, pas grand-chose à signaler, les acteurs sont lambda, l’histoire est réduit à son strict minimum, et j’ai souri au faux-clin d’œil de The Thing à la télé.
Pour conclure, je tiens à recentrer sur le fait que ce film est à la fois un excellent et un médiocre film d’horreur. Médiocre car il a mal vieilli par rapport aux films d’aujourd’hui où s’enchainent crime sur crime dans un cercle effréné, médiocre car sa violence graphique est franchement peu inspirée que ce soit les différents meurtres de Myers ou la fin avec un Myers qui se prend un déluge de molles attaques. Mais excellent car il apporte autre chose qu’un film d’horreur lambda, il apporte un danger constant, impalpable, qui s’insinue près de toi, pour mieux frapper au bon moment. Et cette irréalité, ainsi que cette patience, est quelque chose que je n’ai que très rarement vu dans ce cinéma.
Et c’est donc pour ça que je pense que les avis peuvent être très différents. Véritable chef d’œuvre pour certains, film chiant et sans intérêt pour d’autres. Halloween échoue à être un bon film d’horreur dans sa forme à cause de procédé déjà vu et revu, et des meurtres décevants, mais c’est dans son fond, dans sa remise dans le contexte, que Halloween fait peur. Halloween est un des rares films où on flippe plus de ne pas voir son tueur, que de le voir.