L’intelligence de Squirm consiste à se saisir des vers comme d’une métaphore de l’engloutissement vécu par un New Yorkais venu rendre visite à sa petite-amie, en Géorgie : son voyage en car s’arrête non parce qu’il atteint sa destination mais parce qu’un arbre barre la route ; premier indice d’un enlisement physique, puisque le jeune homme doit aussitôt traverser des bosquets boueux jusqu’à tomber dans un marécage et en sortir trempé, qui mutera rapidement en enlisement symbolique quand il doit affronter la xénophobie de la population locale. Nous remarquons à ce titre que les vers sont présents dès le début, par images de nourriture interposées : les bonbons que mangent des enfants dans le diner en ont la forme, les spaghettis qu’avalent goulûment le shérif et sa dulcinée paraissent vivants.
Le film présente alors la small town américaine comme un marais qu’une tempête rend vivant : les vers sortent de terre, galvanisés par l’électricité des installations qui s’écroulent sur le sol ; cette intempérie peut elle aussi renvoyer à l’irruption d’un étranger dans l’espace urbain bouleversé. Squirm met donc en scène une invasion originale : la petite ville reculée se noie dans sa propre monstruosité qui resurgit à l’égard de Mick. Nul hasard, par conséquent, si le rival amoureux de ce dernier, cul-terreux un brin simplet, se métamorphose en ver géant et finit par ramper dans les escaliers pour ravir celle qu’il aime malgré tout : il incarne cette population grouillante dont les névroses s’insinuent partout, creusant des trous dans les plafonds et coulant dans les canalisations.
Jeff Lieberman signe un cauchemar pertinent qui bénéficie d’effets visuels saisissants et écœurants. Une curiosité à découvrir en dépit d’acteurs passables.