J'avais vu La Nuit du Chasseur, par hasard dans un cinéma à pas cher alors que j'étais étudiant. Et je n'attendais rien du film : Mitchum était un inconnu pour moi, Laughton aussi et le scénario ne me disait rien. Et puis, l'atmosphère du film m'avait laissé un très bon souvenir.
A le revoir, je m'aperçois qu'il est quand même bourré de défauts : les acteurs ne jouent pas très bien, notamment les deux enfants acteurs, qui sont pourtant au centre de l'histoire.
Si le scénario est assez intéressant, il est mal exécuté. Un psychopathe, qui se prend pour un pasteur, poursuit deux enfants à travers le pays après avoir assassiné leur mère. Comme il apparaît comme un prêtre il séduit facilement et embobine tout le monde, ce qui rend la fuite des enfants assez difficile, les gens lui donnant "le bon dieu sans confession. Hélas, le scénario est assez caricatural, avec des gens assez idiots, des raccourcis assez facile et des personnages assez caricaturaux. Le film a quand même une toile de fond assez intéressante, la grande dépression aux USA, mais ne l'exploite pas vraiment, parce que ça n'était pas vraiment le but.
De plus, comme on ne pouvait pas laisser dire du mal de la religion, on est obligé de mettre à la fin, un personnage positif tout aussi connaisseur de bible que le pasteur. Ce qui est cool, parce que ça donne lieu à un passage musical très très étonnant, mais ça l'est un peu moins parce qu'un personnage de Maman Ours assez plaisant se trouve assez affadit par du préchi-précha.
Mais toutefois, il y a DEUX éléments qui rendent ce film culte :
1) Le noir et blanc en studio, ça défonce tout :
On est encore dans la période où les réalisateurs s'inspiraient de l'expressionisme allemand et je crois qu'on a rarement été aussi loin dans le jeu avec les ombres. Les personnages deviennent des ombres chinoises en quelques secondes, avec des jeux sur la lumière qui fait des sorte de tableaux.
Alors que le film se passe majoritairement en extérieur, tout a été recréé en studio, ce qui fait qu'on peut utiliser une luminosité impossible dans la vie réelle et créer des jeux d'ombres assez dingues. Si le film est un thriller noir avec des enfants, il offre une forme de poésie parfois étrange (les deux enfants sur une barque en pleine nuit) parfois macabre (le corps de la mère des petits immergé dans l'eau.)
C'est assez bizarre, et d'un seul coup j'ai eu l'impression de voir la source d'inspiration visuelle d'un jeu comme Limbo : la barque, le frère et la soeur, le look des années 30, voire même le design de John, le grand frère, ressemble à celui du personnage incarné par le joueur lorsqu'il passe dans l'ombre.
2) Robert Mitchum est un putain d'acteur :
Dire qu'à l'époque, Charles Laughton voulait jouer le rôle du pasteur par lui même, le film aurait été bien moins culte.
Robert Mitchum bouffe littéralement l'écran : à chacun de ses scènes, à chacune de ses apparitions, le mec est génial, bon, avec des mimiques toujours justes. Il hypnotise tout le monde avec son baratin et sait se montrer aussi gentil que flippant. Ok, on pourrait dire que c'est l'absence de second rôle convaincant (mis à part Peter Graves, qui passe vite fait jouer le rôle du papa criminel mais héroïque) mais le mec est bon de bout en bout.
Du coup, j'encourage les gens à voir cette curiosité qui a poussé pas mal de gens à se faire tatouer "Love" & "Hate" sur les falanges. (De toute façon, vous lisez cet avis APRES avoir vu le film de toute manière.)