La Nuit venue s’inscrit dans la veine des polars nocturnes, avec ses marginaux attachants chauffeurs de taxi que nous retrouvions déjà dans Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976) et Collateral (Michael Mann, 2004), auquel il ajoute un discours social sur les conditions de vie et de travail des immigrés chinois contraints de subir la pression d’une mafia omniprésente et violente. C’est alors dans cette rencontre singulière entre trois cultures, l’une américaine (le thriller sous forme de course contre la montre dans la capitale), la deuxième française (l’approche sociale des métiers de l’ombre), la dernière chinoise (le milieu d’origine des travailleurs) que le film trouve sa singularité : à mi-chemin entre la fiction, avec la structure d’une tragédie classique, et le documentaire, en témoignent les séquences de dialogue au restaurant ou dans le garage principal, il investit un milieu méconnu et difficile d’accès, rendant compte d’une précarité insoupçonnée, qu’il fait vivre par de bons interprètes. La lisibilité de l’intrigue nous confère néanmoins une longueur d’avance sur les personnages, chacun en quête d’actions et d’une évasion qu’ils n’adviendront pas, et empêche notre pleine immersion – la danse en boîte de nuit ne suscite pas la moindre émotion –, en dépit de la superbe musique électronique de Rone.