Paris, la nuit. Toutes les existences de ceux qui y travaillent sont grises. Exploitation, esclavage moderne de la main d’œuvre et des corps. La nuit venue, premier long-métrage de Frédéric Farrucci, séduit par son atmosphère noire et sa description de lieux sordides animés, rarement de bonnes intentions. Les arpèges élégants et entêtants de Rone composent une bande son originale qui, avec les néons scintillants, donne des allures de poésie urbaine au film. Las, le scénario, classique et ténu, n'est pas à la hauteur de son élévation esthétique (qui n'est quand même pas à la hauteur d'un Wong Kar-wai, soit dit en passant). L'histoire est romantique en diable mais trop convenue, tellement on a vu et revu sur les écrans, au moins depuis les années 30, ces chroniques de deux amoureux pris au piège qui n'ont d'espoir que dans la fuite, si tant est que leur projet ne soit pas une pure utopie. L'arrière-plan social du héros (charismatique Guang Ho) est assez étoffé même si certaines zones de son passé sont volontairement laissées dans l'ombre. Pour la jeune femme (excellente Camélia Jordana), rien ou presque n'est révélé sur ce qui l'a amené là où elle se trouve. On peut s'en passer, bien sûr, et se laisser entraîner dans la fascination de l'ambiance nocturne mais les seconds rôles sont trop schématiques, formant ce petit peuple de la nuit que, il est vrai, on n'a pas si souvent l'habitude de côtoyer au cinéma.