Au sein du travail de Dziga Vertov, "La Onzième Année" se situe beaucoup plus près de "L'Homme à la caméra" (1929) que de "Ciné Œil - La Vie à l'Improviste" (1924), au sens où tous les efforts de mise en scène parviennent à s'assembler de manière constructive, et non bordélique, pour former une matière cohérente à la gloire de l'industrialisation triomphante de l'Ukraine. Pour la célébration du onzième anniversaire de la révolution d'Octobre, Vertov s'attache à montrer la construction d'une centrale hydroélectrique sur le Dniepr à l'aune des centaines d'ouvriers au travail. On est dans la définition même du cinéma de propagande soviétique, avec l'enthousiasme débordant qu'on connaît pour fêter les accomplissements du peuple, dans la droite lignée de films à venir comme "Komsomol ou Le Chant des héros" (Joris Ivens, 1933) : il s'agit de capter les bolchéviques à l'œuvre, d'admirer l'idéologie avançant à grands pas et la construction d'un projet aussi politique que pragmatique. Un film, encore un autre, à la gloire des bâtisseurs.
L'occasion d'osciller entre les scènes classiques du travail manuel de l'époque, entre les mines et les usines sidérurgiques, entre l'acier et le charbon, en passant à travers toutes les strates de cet univers qui communiquent de manière presque merveilleuse, dans les souterrains, à la surface et dans les airs. De la même façon les différentes époques communiquent entre elles, le passé avec le squelette scythe vieux de plusieurs milliers d'années, le labeur de la fourmilière au présent, et naturellement la projection dans un futur heureux promis par l'idéal socialiste en exergue. On pourrait ainsi résumer "La Onzième Année" à un ballet de pistons et de cylindres, à un déferlement de machines qui tourbillonnent et participent toutes en chœur à la modernisation de l'URSS, le tout composant une symphonie industrielle hypnotique dans l'air du temps (Ivens, Ruttman, etc.). Une époque où l'homme et la machine avançaient ensemble et dans la même direction.