La très grande et belle force de La Pampa réside dans son approche lumineuse de sujets graves, de son refus de toute complaisance dans la détresse humaine au profit d’une immersion épurée et simple dans le quotidien des êtres qui vivent et animent ce terrain de moto-cross présent dès le titre et porté par différents espaces environnant (la buvette, la piscine) et diverses pièces de vêtements (t-shirt bleu, combinaison multicolore). La métaphore de la tapisserie de l’Apocalypse, exposée à Angers, définit cet espace sportif comme une jungle où les relations entre les participants sont biaisées et invalidées par une réalité intérieure que le long métrage sonde avec délicatesse : l’entraîneur cache un secret inavouable qui menace sa famille et sa réputation, le père manque à ses devoirs pour se faire coach vampirique, le champion doit subir la passion du premier et les frustrations du second dans un cercle infernal duquel il sera rejeté parce que sa différence à lui se révèle publiquement là où celle des autres demeure tue. Le filmage en go-pro de la dernière course figure ce chaos d’intérêts et de sentiments contradictoires au sein d’un milieu masculin où les bécanes rutilantes participent à la construction d’une virilité de substitution – nous observions déjà cette mise en abyme dans Spetters de Paul Verhoeven, sorti en 1980.
La douceur affichée résulte alors du choix d’une focalisation principale reposant non pas sur la victime mais sur son ami, décentrement narratif à valeur d’universalité, décentrage thématique qui intègre une réflexion plus vaste sur la filiation et sur la destinée familiale : le terrain de moto-cross s’avère être d’autant plus démoniaque qu’il empêche la renaissance de Willy en le subordonnant, encore et encore, à l’ombre d’un père absent, irremplaçable en dépit des tentatives de la mère et de David. La camera obscura réalisée par Marina renvoie à cette vie intérieure singulière nécessaire à l’émancipation, à la « révélation » d’une Apocalypse qui se trouve forcément ailleurs, hors du village, en direction peut-être de la grande ville. Le train pour espérer l’atteindre. Une œuvre subtile, magnifiquement mise en scène et interprétée.