- La situation est mauvaise et ça ne s'arrange pas. Tous les rapports signalent que les indiens nous tiennent tête. Si ce n'était que ça! Winkon et ses sauvages sont en train de battre l'armée argentine.
- Vous voulez dire Winkon et nos sauvages. Il a presque autant de nos déserteurs que d'indiens.
- Pourquoi les soldats désertent ?
- Padron a donné une idée à Wincon : des femmes pour ceux qui le rallient.
- Et depuis, on a perdu la moitié de la garnison!
- Pourquoi ces hommes ne peuvent-ils vivre sans femmes ? Au moins le temps de battre ces indiens.
- De quelle Académie venez-vous ? La plupart de ces hommes sont des condamnés, voire des tueurs. Tout ce qu'ils peuvent faire ici c'est combattre ou fuir. Comme l'armée ne veut pas laisser leurs femmes venir, pourquoi resteraient-ils ?
- Ce sont des soldats et c'est la guerre!
- C'est ce qu'on lit dans les livres, mais aucun ne sait lire! Je l'ai dit il y a longtemps, il n'y a qu'une solution.
- Vous serez heureux d'apprendre que l'Etat-Major va tester votre solution. Malgré ma forte réticence!
- Quelle solution, monsieur ?
- L'armée va envoyer des femmes au Fort.
- Des femmes! C'est incroyable. Quel genre de femmes pourraient vouloir venir ici ?
- Des comtesses, des duchesses aussi, quoi d'autre!
- Suivant l'idée du Capitaine, nous allons amener des filles de Buenos Aires... et transformer le Fort en bordel!
Hugo Fregonese frappe à nouveau un grand coup en proposant un western sur l'armée Argentine en livrant à travers ceux-ci une critique inconfortable qui vient drastiquement réduire les mythes fondateurs américains en livrant une remise en question morale sur les atrocités des tuniques bleues, non pas cette fois autour du sort tragique et catastrophique réservé aux Indiens comme a pu si bien le présenter "Soldat Bleu" de Ralph Nelson, mais en présentant un portrait peu enviable des femmes aux côtés de soldats malsains qui parqué les uns sur les autres dans les Forts deviennent fous. Le traitement des femmes est difficile, elles sont battues, violées, considérées comme de la chair fraiche à la disposition des soldats. Des soldats qui comme le précise tout du long Rod Taylor sont des criminels (assassins, violeurs, meurtriers) envoyés par le gouvernement pour désemplir les prisons au profit de l'éradication des indiens. Une critique réaliste qui vise un sujet peu commenté avec les atrocités validé par un gouvernement dans lequel le cinéaste rivalise d’audace narrative et d’inventivité, comme avec la plupart de ses oeuvres, et qui pour ce cas précis fait preuve de virulence et de férocité sur les visages de ses prétendues héros.
Le capitaine Martin (Robert Taylor) responsable d'un Fort situé aux confins de toutes civilisations dans un environnement austère coupé de tout est confronté à une désertion constante de ses soldats qui partent rejoindre une unité de mercenaires diriger par Padron (Ron randell), lui aussi un ancien soldat qui s'est allié à un chef Indien à la tête d'une armée prête à en découdre avec le Fort. Si les soldats désertent c'est parce que Padron à des femmes disponibles pour eux. Le capitaine Martin ne voit plus qu'une solution pour persuader ses hommes de ne pas déserter le fort qu'il commande. Il souhaite y installer des femmes pour satisfaire les besoins de ceux-ci, proposition validée par le gouvernement qui en profite pour envoyer des femmes qu'ils considèrent comme dérangeantes. Durant le trajet pour ramener les femmes vers le Fort, Padron et son unité accompagné des Indiens essaient de les arrêter.
Le récit est peu glorieux avec les figures héroïques voulant avant tout présenter un sujet déterminant démontrant les limites de l'âme humaine qui retranchée devient des plus primaires et aberrantes. Pour autant, Fregonese ne cherche pas à enfermer son film dans une tonalité purement déprimante et nihiliste envers le genre humain, prouvant que si le pire existe il peut en être de même pour le bien. L'ambiance est prenante et grave avec une mise en scène efficace bien entretenue par la composition musicale de Waldo de los Rios qui bien que rare se permet quelques tonalités aux proportions épiques. Hergonese se permet même de rendre un hommage à deux de ses excellents westerns avec "Quand les tambours s'arrêteront" ainsi que "Le Raid", comme s'il savait que La Pampa sauvage serait (malheureusement) son dernier western réalisé. Niveau action on ne s'ennuie pas une minute avec plusieurs séquences de corps à corps particulièrement marquante avec le fameux "bolas". Un lasso à boules servant d'armes de jet comprenant plusieurs masses sphériques réunies par des liens, amenant des confrontations inédites. Le duel final tient toutes ses promesses avec un combat physique entre Robert Taylor et Ron Randell particulièrement violent et intense.
Robert Taylor est flippant! Le comédien m'a littéralement scotché sur place. C'est la première fois que je le découvre si impitoyable, inflexible et cruel. Le plus étonnant là-dedans c'est qu'il est le personnage principal, le vrai militaire de carrière qui n'est pas initialement un prisonnier condamné à qui on laisse une seconde chance en allant combattre les Indiens, et pourtant c'est lui qui commet un viol sur une Indienne. Est-ce les affres de la guerre qui la tansformé ? Le fait de cotoyer inlassablement des criminels ? Le film répondra en partie à la question. Une description particulièrement alambiquée autour d'un personnage qui ne laisse pas indifférent. Ron Randell en tant que Padron l'antagoniste est très bon. La complexité qui unit les deux hommes se jouent dans le rapprochement de ceux-ci qui finalement sont identiques à ceci près que l'un est avec les indiens, l'autre avec le gouvernement. Finalement qui est vraiment du bon côté ? Qui est méchant ? Qui est gentil ? La fin justifie t-elle les moyens ? Hugo Fregonese dépasse ce stade pour simplement présenté la nature de l'homme qui dans un instinct purement primaire est capable de tout.
CONCLUSION :
Avec La Pampa sauvage Hugo Fregonese présente son dernier western qui va une fois encore surpasser les clichés traditionnels du genre pour proposer une description obscure et réaliste de la noirceur humaine avec en premier plan le traitement immoral des femmes perpétuées par l'armée dans une totale injustice. Un film à ne pas mettre entre toutes les mains qui d'un point de vue cinématographique s'avère des plus prenants avec certainement la performance la plus redoutable de Robert Taylor qui crève l'écran.
Pour son ultime western, Hugo Fregonese livre le meilleur des adieux au genre en livrant une ultime critique d'une figure emblématique et mythique des fondateurs américains.