La photographie n'est pas l'art de l'immortalisation de l'instant mais au contraire celui de sa mise à mort, de son effacement, de l'oubli inéluctable dans lequel l'image et son objet vont sombrer. Cette idée macabre semble avoir régi toute l’œuvre d'Oskar Benedek, mystérieux photographe hongrois qui disparut en 1944 dans des conditions aussi troubles que l'était sa dépression.
Le beau et douloureux documentaire que lui consacre Olivier Smolders, alors qu'une rétrospective inédite entachée de censure était accordée au photographe à Bruxelles en 2010, s'attache à dessiner le portrait mental d'un ultra-mélancolique, construit à partir de photos, vidéos et journal intime de lui et de ses proches en voix-off.
En mettant en scène lui-même des reconstitutions subtiles de certaines situations "manquantes" qu'on jurerait sorties des propres photographies du hongrois (que j'ai comprises en voyant défiler des noms de comédien/nes lors du générique de fin), Smolders pose un doute similaire à celui recouvrant le scandale provoqué par des images d'enfants mutilés au visage par des laborantins de la Stasi, et qui auraient été retirées quelques jours avant le vernissage bruxellois. Étaient-elles trop insoutenables ou simplement pas des créations de l'artiste ?
Mais de toute manière, que souhaite notre imagination, sinon de plonger dans le mystère le plus insondable des légendes ?