Comme l'impression d'avoir goûté aux passions de l'amour, Tran Anh Hung nous emmène dans la cuisine de Dodin Bouffant, de laquelle nous ne voulons plus ressortir. Il n'a pas suffi de grand chose ; des regards, des gestes, des sourires et une complicité qui dévoilent une toute autre forme de récit, loin du topos amoureux traditionnel. C'est un film qui fait tomber amoureux de la cuisine, des personnages, mais aussi de la lumière, à l'image d'un tableau de Vermeer. Le film est une sorte de romantisme culinaire, les aliments résultent d'un amour pour la cuisine mais aussi d'un amour envers la personne pour qui l'on cuisine. J'ai été surprise et impressionnée face à ces rares dialogues qui laissent une place attentive au bruit des couverts. La dégustation d'un plat ne serait elle pas le reflet de la relation amoureuse ? Le corps est traversé par de multiples émotions et sensations, si intenses qu'un mot n'a pas besoin d'être prononcé pour comprendre la force de la passion. Prix de la mise en scène à Cannes, la cuisine et ses aliments deviennent un orchestre symphonique, la caméra ne fait qu'un avec les plats et vient éveiller l'imagerie des odeurs chez le spectateur. La Passion de Dodin Bouffant est un film qui donne faim, qui donne l'envie de cuisiner et qui fait naître l'appétit de l'amour.