Qui connait ici Wayne Kramer ? Pas grand monde et pour tout dire moi non plus je ne le connais pas. Si on s'intéresse à la peur au ventre c'est avant tout pour son pitch à base de flingue perdu qu'il faut retrouver absolument sous peine de mort et dans l'espoir de faire le plein de sensations fortes puisque la peur au ventre se veut avant tout comme un polar Hard Boiled.
Après tout le genre est plutôt moribond ces dernières années et il est vrai qu'on aurait bien besoin d'une dose de testostérone digne de ce nom. Il est temps de voir si La peur au ventre tient ses promesses ou si on va encore repartir la queue entre les jambes.


-La nuit mon appart' tiens

Unité de temps, une nuit, une galerie de personnages hauts en couleurs à la recherche d'une arme-MacGuffin pretexte pour une odyssée dans les bas fond de la ville, les cinéphiles penseront à PTU de Johnnie To lui même repompe moderne de l'excellent Chien Enragé du maître Kurosawa.
La formule n'est donc pas originale mais sa simplicité cristalline permet de se débarrasser très vite d'encombrantes explications et de se concentrer sur les ramifications annexes de l'histoire qui deviennent vite l'intérêt principal du film.
La peur au ventre ne déroge pas à la règle et se transforme donc bien vite en un voyage ultra-violent jusqu'au bout de l'horreur. Le principal atout du film est donc son scénario ou, plus exactement, ses rebondissements. Souvent surprenants, toujours tendus ils viennent pimenter cette folle virée et offre une description dérangeante du Los Angeles nocturne. Drogue, prostitution, exclusion.... voir pire ! Le film ne recule devant rien quitte à parfois en faire trop ( les personnages de Dez et Edele ) mais réussi malgré tout à garder l'intérêt de ce qui pouvait sembler difforme de loin. En se focalisant sur l'impact immédiat et en ne faisant jamais retomber la pression le film réussit ainsi fait passer la pilule. Et c'est payant puisqu'au final le film n'en est que plus glauque et hypnotique, la spirale de la violence ne s'arrête jamais.

Pris dans cette tornade on trouve des personnages assez inégaux mais qui gravitent autour d'un couple central qui est lui très réussi. On retrouve un anti-héros bien campé par un Paul Walker aussi charismatique que contrasté tissant des relations tortueuses avec son entourage ( son fils et son père surtout ) et à ses côtés Vera Farmiga prouve qu'elle à autre chose à faire valoir que ses jolies fesses ( mais on les voit aussi hein ). Loin de la figure habituelle de potiche au grand coeur elle est un vrai contrepoint à l'univers dans lequel évolue le personnage principal.
Les personnages secondaires c'est en revanche un peu la loterie, Chazz Palminteri fait de la figuration alors que son personnage pouvait offrir un peu plus et Karel Roden est encore le ruskof énervé et en mal d'intégration de service avec tout ce qu'il faut de rictus et de mâchoire serrée. Le jeune Cameron Bright est en revanche plutôt convaincant dans son rôle à la limite de l'autisme.

Ainsi la promesse de voir un film couillu est parfaitement tenu, baston, morts violentes et passage à tabac pour le moins originaux sont au programme et le tout sans détour ni fausse pudeur. Un film franc du collier donc qui n'est pourtant pas exempt de quelques défauts structurels plus ou moins gênants. Ainsi certains personnages retrouvent la trace du héros sans qu'il ait la moindre explications, quelques coups de fils magiques qui permettent d'enchaîner sur la suite, etc...
En misant avant tout sur la fluidité du récit et son efficacité viscérale Wayne Kramer sacrifie quelque peu la cohérence du récit par moment. Le pire restant sans doute les dernières minutes du film.
Dans un élan incompréhensible le film change brutalement la nature du personnage principal, introduisant un twist complètement craqué et hors de propos qui n'a qu'un seul mérite: celui de détruire la cohésion globale du film, du personnage principal et de faire s'effondrer un édifice aux bases pourtant solides.


-La nuit démasque

Le décalage et la stupidité du final est dommageable mais ce n'est pas forcément le plus emmerdant dans La peur au ventre, cela laisse une impression désagréable immédiatement après le générique de fin mais en reprenant les événements à froid on se rend compte que l'intérêt du scénario ne saurait se résumer à cette maladresse encombrante. Car le film possède des limitations autrement plus gênantes.

En effet Wayne Kramer doit faire partit de ces gens qui veulent révolutionner la mise en scène de façon radicale et qui juge l'apport de MTV dans le domaine absolument bénéfique. Car là où le bas blesse, et pas qu'un peu, c'est dans l'amoncellement d'effets de montage, de caméra, ou spéciaux bazardés dans tous les sens sans la moindre logique narrative ou artistique derrière que l'on pourrait réunir sous le nom de "réalisation". S'appuyant sur un montage hyper cut pour faire nerveux Wayne Kramer est incapable d'offrir une gestion de l'espace correcte dans la majorité des situations, on passe d'un plan à l'autre sans soucis de raccord ou d'axe, on revient en arrière sans justification mais parce que c'est cool, on enchaîne des plans serrés frénétiquement sans qu'on ait eu le temps de comprendre qui est où et fait quoi, on rajoute là dessus des saut de l'image comme ça pour déconner, etc...
La mise en scène part dans tous les sens et ne va finalement nul part. L'accumulation d'effets de styles majoritairement gratuits nuit grandement à l'implication que l'on peut avoir dans le film et finit par lasser voir carrément énervé sur la longueur.

Evidemment la photographie du film est à l'avenant, ton jaunes outranciers, surexposition qui, en plus de donner mal au crâne, arrive parfois à gêner la lisibilité des plans. On rajoute à cela le constant mouvement de zoom/dézoom effectué par l'objectif même lors de séquences calme jouant sur une certaine intimité entre les personnages.
Au final le film n'a pas d'identité réel, il accumule les styles tape-à-l'oeil sans véritable démarche de mise en scène. La seule règle que semble s'être imposé le réalisateur c'est "whaou c'est cool on peut faire ça ?" lors du montage, s'inscrivant dans une mouvance post-Snatch en nettement mois maitrisé et encore plus bordélique. De plus le moindre mouvement ou effet est appuyé par des effets sonores pas franchement discrets et qui ne font qu'alourdir encore un peu plus la démarche.
Vous vouliez savoir ce qu'est un Schmilblick ? Bah vous ne saurez toujours pas plus mais là on ne doit pas être loin.


-La nuit je mords, vivant

Fatiguant voilà bel et bien le premier mot qui vient à l'esprit pour qualifier La peur au ventre. Et c'est vraiment dommage car le film s'appuie sur une progression solide et des personnages principaux bien campés mais tous les efforts sont littéralement ruinés par les frasques du réalisateur qui confond inspiration et absence de rigueur.
Burné et haletant le film ne laisse malheureusement pas de traces durable dans l'esprit, beaucoup de passage sont potentiellement excellents mais ils sont quasi systématiquement désamorcés par une caméra qui ne semble pas du tout concernée par ce qu'elle filme.
Même en amateur de testostérone pure il est difficile de vraiment prendre son plaisir de manière totale devant ce film au fort capital sympathie. On n'était pourtant pas loin d'un résultat probant, comme quoi toute la bonne volonté du monde ne fait pas tout....
Vnr-Herzog
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le 27 mai 2010

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