La Peur qui rôde
3.1
La Peur qui rôde

Film DTV (direct-to-video) de C. Courtney Joyner (1994)

À force de creuser au cœur du bis, on finit par se sentir archéologue. Parfois on tombe sur des nanars de compétitions, des films long, et chiant comme la mort, et parfois sur de véritable trésor. A la longue, l’auteur de ces lignes a fini par se spécialiser dans les productions de la Full Moon Features (anciennement Empire Pictures) parce qu’il y a quelque chose de fascinant dans cet artisanat de bric et de broc en dépit des moyens limités. Ce supplément d’âme est perceptible grâce à l’amour indéfectible de son producteur pour le genre dont il se réclame. Charles Band est certainement le nouvel Ed Wood, ou bien le Walt Disney du bis, puisqu’il a recouvert tout un large pan de ce cinéma d'exploitation à travers des créations originales bien que souvent influencé par les succès du moment. Sa société est néanmoins réputée pour avoir livré certaines des meilleurs adaptations locecraftiennes vu sur grand écran (Re-Animator, From Beyond). Il y avait donc quelque chose d’excitant à mettre enfin la main sur Lurking Fear par le biais de l’export, d’autant que l’on parle quand même de l’une des plus célèbres nouvelles du maître de providence (La Peur qui rôde). Il faut savoir qu’à l’origine, le projet été destiné à Stuart Gordon, mais suite à la faillite d’Empire Pictures, celui-ci sera remisé avant d’échouer dans les mains du scénariste C. Courtney Joyner qui avait précédemment succédé à son producteur sur la saga de son flic du futur (Trancers 3).


Comme un large contingent des productions Full Moon de l’époque, le film a été tourné en Roumanie au sein du Castle Films Studios. Cela permettait à Charles Band de faire des économies substantielles (environ 70%) en raison des avantages fiscaux associés. Finalement de la nouvelle d’origine, le réalisateur ne conservera que le mystère autour de la famille Martense et ces fameuses goules tapis dans les sous-sols de la ville qui vont de maison en maison en passant par les fondations, et les grilles d’aération pour attaquer les habitants et dévorer leurs enfants. Mais plutôt que de réaliser une œuvre orienté épouvante horreur comme le fera Gordon avec Castle Freak, C. Courtney Joyner préfère livrer un film d’action crépusculaire dans la lignée d'Assaut de John Carpenter. L’histoire tournera donc autour de John Martense, un ex-taulard qui se voit confier la mission de récupérer le butin d’un braquage que son père a planqué dans le corps d’un défunt enterré dans une tombe du cimetière de Leffert’s Corner. Il s’agit d’une ville fantôme dans laquelle les derniers habitants tentent de combattre des créatures qui sortent de leur tanière les soirs d’orage. Mais une cohorte de gangsters compte bien remettre la main sur le magot qui leur appartient. Tout ce petit monde va donc se retrouver au cœur d’un chassé-croisé afin de s’échanger des coups, des noms d’oiseaux et des volées de plomb. La situation poussera les forces en présences à se réfugier au cœur d’une église pour tenter de résister aux attaques d’un ennemi commun qui ne fait aucune distinction de camp. Le scénario évoque à bien des égards Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez, bien qu'il ne sortira que deux ans plus tard. D'ailleurs, Quentin Tarantino jure l’avoir écrit des années plus tôt. On veut bien le croire.


On aura le plaisir de retrouver Jeffrey Combs dans le rôle d’un docteur taciturne (encore un !), l’acteur étant à la Full Moon ce que Peter Cushing fût au studio Hammer. A l’instar de Bela Lugosi avec Dracula, ou de Boris Karloff avec Frankenstein, on peut légitimement l’associer à l’univers du maître de providence qu’il interprétera avec son faux menton dans le cadre de l’anthologie Necronomicon. Vincent Schiavelli, Jon Finch, Blake Adams, et Paul Mantee s’adjoignent à la distribution avec quelques donzelles armés de gros calibre, notamment une plantureuse femme fatale (une simili Sharon Stone) et une brunette en mission commando. Si la bande annonce tonitruante rythmé par des détonations et des explosions promettait un divertissement méchamment burné, il n’en sera finalement rien. Les survivants seront le plus souvent recroquevillés dans l’église, à attendre la prochaine attaque soudaine et sournoise. Du moins, quand ils ne chercheront pas à s’écharper pour reprendre le contrôle de la situation. En dépit d’une durée resserrée d’à peine 1h17, et de quelques scènes d’actions (fusillades, bastons, cœur dépoitraillés), C. Courtney Joyner ne parvient jamais à faire décoller son intrigue en raison d'une mise en scène assez peu inspiré et dénué de toute tension. Le réalisateur n'arrive pas à véhiculer le sentiment d’urgence et d’effroi nécessaire (la séquence dans la crypte servant de point d’orgue au récit est assez représentative). Finalement Lurking Fear se résume à son combat de catch entre groluches dans la boue, ses goules mono-expressives confectionnés par Michael Todd que le cinéaste peine à mettre en valeur, et sa série d’explosions finales qui à dû coûter au moins la moitié du budget. On ne pourra donc qu’amèrement regretter le choix du metteur en scène, surtout en considérant le travail de Stuart Gordon opéré sur Dagon quelques années plus tard (une autre adaptation lovecraftienne cette fois tiré du Cauchemar d’Innsmouth), un survival effrayant, gore et sans concession.



Le sage pointe la lune, l’idiot regarde le doigt. Alors s’il te faut un guide pour parcourir l’univers étendu de la Full Moon Features, L’Écran Barge te fera découvrir le moins pire et le meilleur de l'oncle Charles Band, le Walt Disney de la série bis !

Le-Roy-du-Bis
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le 18 oct. 2024

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