"Regardez-moi, je suis froide, tourmentée et dépressive. -C'est tout ? -Oui."

Ce qui est embêtant dans ce film, c’est son manque de subtilité dans la manière d’aborder les sujets qu’il présente. Si son ambition est de suivre une professeur de piano quarantenaire marquée par la vie et sa relation frustrée au monde de la musique, il ne le fait qu’avec très peu de finesse. Le motif fondateur apparaît comme déjà beaucoup traité auparavant “Je fais de la musique donc je suis tourmentée et frustrée” mais pourquoi pas tenter une nouvelle approche, ce que Haneke semble vouloir faire notamment en explorant la sexualité de son héroine. Pourtant ça ne marche pas. Le personnage est caricatural à souhait, il est une sorte de cas d’étude de la déviance psychique qui accumule des défauts quitte à être extrêmement grossier, donnant un assemblage de scènes où l’on est pris par la main pour nous dire “regardez, elle a ce vice et ces penchants là. Et puis par-là il y a aussi ce défaut”. Cette Erika est alors un stéréotype, marquée par Isabelle Huppert qui fait le seul truc qu’elle sait faire à savoir faire une tête de dépressive, froide et sans sentiments. Ce qu’il y a de génial dans une volonté naturaliste, c’est de montrer les vices des hommes et l’horreur qui peut naître au sein de cette humanité. C’est là que ça ne marche pas : ce grossier stéréotype n’a rien d’humain et donc j’y ai été assez indifférent.

Pourtant, il y a de très bonnes idées et des thèmes traités vraiment intéressants comme la jalousie et la concurrence dans le monde de la musique. La scène où la professeur met du verre pilé dans la poche de son élève rappelle des réalités des concours de musique de l’époque où l’on pouvait retrouver du verre sur les touches de piano d’entraînement avant des auditions ou des lames de rasoirs dans les chaussons de danseuses. Mais même cette scène est bâclée et manque de finesse. Entre Erika qui met 10kg de verre dans la poche et la petite Schober qui y met ses grosses patounes jusqu’aux coudes devenant ainsi un personnage digne des films de Tarantino qui pisse le sang de partout, on finit par penser que le réalisateur s’est dit “boarf ça passe, de toute façon c’est l’idée que je veux représenter”.

Pour rester sur ce personnage de Schober, il est probablement le seul vrai intérêt du film et la manière dont il est traité mérite de s’y arrêter un peu. Elle représente la jeune fille qui travaille 8h par jour, se fait pourrir par une prof frustrée, a une mère qui lui met une pression colossale et qui est confrontée aux rivalités malsaines dans un monde de compétition où l’art qui était le moteur de la motivation initiale passe au second plan, derrière les calculs et les ambitions. On voit alors qu'elle est minée et en train de sombrer dans un monde trop dur pour elle et cette approche là intéressante est malheureusement insuffisamment développée et masquée par des scènes interminables ou l'autre cruche renifle des fapalins devant un film pornographique.

Enfin, le film n’a rien de pertinent sur le plan esthétique. Le piano est un peu annexe et mis pour remplir des scènes et il est douloureux de ne pas avoir de moments un peu contemplatifs sur du Bach ou Rachmaninov qui tout de même est la raison pour laquelle ces personnages tourmentés continuent d’endurer tout ça. Les plans sont longs et lents et donnent l’impression que l’aspect visuel est délaissé par rapport à l’écriture du personnage principal et n’est qu’un moyen de la présenter, rendant le film vraiment pénible à finir.

Xernay
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le 7 août 2024

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