La guerre c’est dégueulasse et le génie de Schoendoerffer est de réussir à nous le montrer si admirablement en nous embarquant, caméra à l’épaule, avec le jeune sous-lieutenant Torrens tout juste sorti de Coëtquidan et ses hommes dont l’adjudant Willsdorf, vétéran de la Wehrmacht engagé dans l’armée française à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas alors de dérouler une de ces grandes fresques épiques sur la guerre où celle-ci est fantasmée et enjolivée, non, elle est moche, c’est de la merde. Ces hommes avancent dans une jungle carcérale où chaque hurlement d’animal est une menace potentielle, ils suent, ils sont fatigués et ils ont la chiasse. On ne voit pas l’ennemi, seulement des rafales et des grenades.
Car la guerre telle que l’a vécu Schoendoerffer, c’est ça et non des grandes charges héroïques telles que celle de la brigade légère dont l’idéalisation est la source d’une attaque menée par le sous-lieutenant. La guerre, c'est aussi de longues progressions éreintantes pour quelques secondes seulement d’action, le tout en portant des blessés dont le râle hante chacun des membres de la section, les obligeant à une certaine forme d’indifférence face à ces horreurs.
Les relations humaines sont aussi merveilleusement peintes dans ce film, il n’est pas question d’un conflit entre le jeune officier et le vétéran qui a été plusieurs fois de terribles théâtres d’opérations. Ces relations sont belles car vraies : l’adjudant sait que Torrens commande la section et son objectif est de lui donner toutes les clés pour le faire avec succès. Le jeune Saint-Cyrien s’appuie en contrepartie sur Willsdorf sans faire l’une de ces crises d’autorités souvent montrées dans d’autres films pour mener alors sa section dans cette quête impossible.
Entre l'idéalisme déchu d'une dernière charge héroïque et le réalisme glaçant reflété par les anecdotes de l’ancien de la Wehrmacht, le cinéaste filme cette dure réalité à hauteur d’homme mais avec de sublimes plans sur cette nature mystérieuse et dangereuse dans un noir et blanc sublime, inspirant ainsi ses successeurs en matière de film traitant de guerre contre-insurrection notamment, notamment les Américains au sujet du Vietnam.