La guerre c’est dégueulasse et le génie de Schoendoerffer est de réussir à nous le montrer si admirablement en nous embarquant, caméra à l’épaule, avec le jeune sous-lieutenant Torrens tout juste sorti de Coëtquidan et ses hommes dont l’adjudant Willsdorf, vétéran de la Wehrmacht engagé dans l’armée française à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas alors de dérouler une de ces grandes fresques épiques sur la guerre où celle-ci est fantasmée et enjolivée, non, elle est moche, c’est de la merde. Ces hommes avancent dans une jungle carcérale où chaque hurlement d’animal est une menace potentielle, ils suent, ils sont fatigués et ils ont la chiasse. On ne voit pas l’ennemi, seulement des rafales et des grenades.

Car la guerre telle que l’a vécu Schoendoerffer, c’est ça et non des grandes charges héroïques telles que celle de la brigade légère dont l’idéalisation est la source d’une attaque menée par le sous-lieutenant. La guerre, c'est aussi de longues progressions éreintantes pour quelques secondes seulement d’action, le tout en portant des blessés dont le râle hante chacun des membres de la section, les obligeant à une certaine forme d’indifférence face à ces horreurs.

Les relations humaines sont aussi merveilleusement peintes dans ce film, il n’est pas question d’un conflit entre le jeune officier et le vétéran qui a été plusieurs fois de terribles théâtres d’opérations. Ces relations sont belles car vraies : l’adjudant sait que Torrens commande la section et son objectif est de lui donner toutes les clés pour le faire avec succès. Le jeune Saint-Cyrien s’appuie en contrepartie sur Willsdorf sans faire l’une de ces crises d’autorités souvent montrées dans d’autres films pour mener alors sa section dans cette quête impossible.

Entre l'idéalisme déchu d'une dernière charge héroïque et le réalisme glaçant reflété par les anecdotes de l’ancien de la Wehrmacht, le cinéaste filme cette dure réalité à hauteur d’homme mais avec de sublimes plans sur cette nature mystérieuse et dangereuse dans un noir et blanc sublime, inspirant ainsi ses successeurs en matière de film traitant de guerre contre-insurrection notamment, notamment les Américains au sujet du Vietnam.

Xernay
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films français, Top 10 de mes films préférés, Top 10 Films et Les meilleurs films de guerre

Créée

le 10 janv. 2024

Critique lue 114 fois

5 j'aime

Xernay

Écrit par

Critique lue 114 fois

5

D'autres avis sur La 317ème Section

La 317ème Section
-Marc-
9

La preuve par l'oeuf.

La guerre, c'est ça: Pas de super-héros, la souffrance, la fatigue, la dysenterie, les copains qui meurent, la peur qu'on cache derrière un baroud d'honneur...la mort. En marge de la bataille de Diên...

le 27 oct. 2015

35 j'aime

4

La 317ème Section
SBoisse
10

Le dernier combat du lieutenant Torrens

Ancien du Service Cinématographique des Armées et vétéran de Dien Bien Phu, Pierre Schoendoerffer représente une exception dans le cinéma contemporain. Son œuvre – huit longs métrages en 40 ans –...

le 29 août 2015

34 j'aime

5

La 317ème Section
Plume231
8

"Le blanc part mais le jaune reste" !!!

Ce serait un très gros euphémisme d'écrire que le cinéma ne croule pas sous les films évoquant le Guerre d'Indochine. Et la majeure partie d'entre eux, ou du moins les plus célèbres d'entre eux,...

le 14 août 2017

28 j'aime

3

Du même critique

La 317ème Section
Xernay
10

Willsdorf, vous connaissez ?

La guerre c’est dégueulasse et le génie de Schoendoerffer est de réussir à nous le montrer si admirablement en nous embarquant, caméra à l’épaule, avec le jeune sous-lieutenant Torrens tout juste...

le 10 janv. 2024

5 j'aime

La Pianiste
Xernay
5

"Regardez-moi, je suis froide, tourmentée et dépressive. -C'est tout ? -Oui."

Ce qui est embêtant dans ce film, c’est son manque de subtilité dans la manière d’aborder les sujets qu’il présente. Si son ambition est de suivre une professeur de piano quarantenaire marquée par la...

le 7 août 2024

4 j'aime

Sans peur et sans reproche
Xernay
8

Ses amis l'appellent "La Daube", et ce sont ses amis hein !

A l’heure où des films d’Hollywood bafouent l’honneur de la France à l’image de l’abject Napoléon de Ridley Scott, il est bon de se rappeler qu’il existe de grands films sur l’Histoire de France...

le 11 janv. 2024

4 j'aime

1