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Planet of the Apes est de ces films qui traînent sur mes étagères mentales depuis des années, mais que je n’ose pas lancer. Par peur d’une déception devant un objet au culte intouchable, d’effets qui ne marcheraient plus aujourd’hui, ou encore d’un creux tonal propre à certaines productions de l’époque. Et quand en plus la scène finale, un twist à l’époque, a tellement été revisitée et parodiée qu’elle est aussi surprenante que la révélation du paternel de Luke ou de la nourriture de Soylent Green, ça enlève un peu de la mystique.
Mais la récente vision du Patton de Schaffner m’ayant fait découvrir ce réalisateur sous de bons auspices, il était grand temps que je regarde cette adaptation de Pierre Boulle, que David Lean avait déjà mis en lumière à mes yeux dans The Bridge on the River Kwai. Et comme vous vous en doutez au vu de ma note, je me trouve bien sot d’avoir si longtemps repoussé ce film, car mes craintes ont été balayées une à une.
D’un point de vue formel d’abord. Si certains effets visuels ont en effet pris un petit coup dans le nez, notamment ce voyage spatial introductif, le reste demeure tout à fait convaincant, même 55 ans plus tard. Les maquillages et prothèses, s’ils n’atteignent pas la finesse du numérique de Weta sur la prélogie récente, permettent une expressivité aux acteurs que je n’osais pas espérer. Ajoutez à cela un tournage en extérieur où les décors désertiques écrasent les vivants, un village semi-troglodyte à l’architecture surprenante, et la musique expérimentale et tonitruante de Jerry Goldsmith, et vous obtenez un bien bel écrin qui ne souffre nullement de la patine de l’âge.
Quant au fond, il est tout simplement passionnant. Boulle utilisait initialement son roman pour parler de sa captivité en Indochine et de son expérience de la bêtise humaine, mais la succession de scénaristes de la Fox qui ont mené au script final de Rod Serling ont ajouté une autre substance ancrant définitivement le film dans une démarche contestataire des travers de son époque. On sort tout juste du MacCarthysme, et de son Un-American Activities Committee qui encourageait la délation de toute affiliation au communisme au sein des studios Hollywoodiens, conduisant à la création d’une blacklist honteuse (au sein de laquelle trône des noms comme Trumbo, Bernstein, Buñuel ou Chaplin) mettant en standby la carrière de nombreux artistes, ou les forçant à utiliser des pseudonymes ou à ne pas être crédités. A côté de ça, la guerre du Vietnam bat son plein, avec ses conscriptions forcées et la véhémence de la contestation populaire que l’on lui connaît. Et bien évidemment, mais ça, ça n’a pas énormément bougé, la ségrégation raciale est bien installée dans la société américaine. Pas mal de grain à moudre donc. De quoi faire dire “Never trust anybody over 30” ou “You can’t trust the older generation” à Taylor, alias Charlton Heston.
Dès l’introduction, le ton est donné. Notre héros sort une longue tirade qu’il conclut par une simple interrogation : “Does man, that marvel of the universe, that glorious paradox who sent me to the stars, still make war against his brother? Keep his neighbor's children starving?”.
La réponse sera sans appel, alors qu’il découvre une société simiesque à ses balbutiements qui commence lentement mais sûrement à refaire les mêmes erreurs que la nôtre. La folie humaine qui place la science et la foi sous la même coupe, qui rend certaines personnes plus égales que d’autres. L’exploration des contradictions entre nos capacités créatives et intellectuelles et notre propension à la cruauté et l’irrationalité est fascinante, et mènent inévitablement à une autodestruction programmée.
L'œuvre de Schaffner brille en tous points, et pose les bases d’une franchise qui continue d’exister intelligemment dans nos salles. Un canevas parfait pour contempler nos failles en tant qu’espèce, notre intarissable ouverture aux luttes intestines pour un pouvoir éphémère, pour un refus de comprendre autrui, pour une vie aux dépens des autres. L’ironie étant que Planet of the Apes est la première licence à inonder les étals de merchandising, pavant la voie à Star Wars et consorts par la suite. On marche sur la tête, comme dirait l’autre connard…
La franchise en critique:
Rise of the Planet of the Apes
Dawn of the Planet of the Apes
War for the Planet of the Apes
Kingdom of the Planet of the Apes