La surprise relative de ce Kingdom of the Planet of the Apes vient de sa grande brutalité, fidèle en cela au long métrage originel de Franklin Schaffner avec lequel il dialogue ponctuellement par sa photographie – les plans sur la plage reproduisent ceux de 1968, sans aller jusqu’à reprendre la Statue de la Liberté –, par certaines de ses séquences – la chasse à cour en est l’exemple le plus frappant – et par la reprise, à des moments clefs, de la partition percutante de Jerry Goldsmith. Le protagoniste principal, Noa, subit sans arrêt une violence morale et physique, d’abord liée à la disparition de sa tribu, ensuite inhérente à un récit sous forme de chemin de croix au cours duquel il est griffé, brûlé, plaqué au sol, et assiste impuissant à la noyade du sage orang-outan. La noirceur tonale du film surprend au sein d’une maison de production habituée à couvrir de guimauve ses images et les enjeux qui y sont associés, plus proche du second Avatar (2022) avec lequel il partage nombre de similitudes : la responsabilité du héros dans la destruction de son village, l’élection d’un animal totem qui vient à sa rescousse quand la situation s’envenime, l’esthétique du royaume fondé par Proximus César. On pense aussi à deux autres sagas : Star Wars – la forêt ressemble à celle des Ewoks, le bateau échoué à celui de Jabba le Hutt – et The Maze Runner, réalisée d’ailleurs par ledit Wes Ball, avec la persistance du motif du centre commercial qui occupait une place déterminante dans le deuxième volet.
Kingdom of the Planet of the Apes souffre ainsi de ce statut précaire de récupérateur du blockbuster américain tel qu’une intelligence artificielle aurait pu l’écrire, sans vision propre ni émotion véritable. Exemple parmi tant d’autres, la musique de John Paesano ne vaut rien en elle-même, assemblage de sonorités faciles et de motifs à la mode ; sa réécriture de la partition de Jerry Goldsmith révèle certes un hommage, mais surtout une ponction de sa géniale efficacité. Voilà donc un très beau spectacle du point de vue de la technique mais qui ne fonctionne que par décalquage, un produit dépourvu d’âme, en témoigne la clausule commerciale qui annonce une suite que nous n’avons pas envie de voir.