La beauté de la photographie, dans ses teintes noir et blanc comme dans ses cadres soigneusement composés, n'a d'égal que la verbosité de l'ensemble qui ploie sous le poids des dialogues pesamment littéraux et mou. La curiosité de découvrir un quartier (éponyme) de Sète pousse naturellement vers la découverte de ce premier film, réalisé par la débutante Agnès Varda, et chose franchement incroyable, on ne peut que constater le puissant avant-gardisme qui l'anime vis-à-vis de la Nouvelle Vague à venir. On n'est qu'en 1955 et franchement on se croirait dans ce registre au milieu des années 60.


C'est un peu chiant à la longue, il faut l'avouer, mais beaucoup de petits plaisirs rythment cette déambulation dans le sud. Quel moment improbable, quand on découvre enfin le visage de cet acteur filmé de dos avec malice pendant un long moment : c'est Philippe Noiret, avec une coupe moyenâgeuse totalement improbable, accompagné de Silvia Monfort (qu'on retrouvera aux côtés de Gabin 2 ans plus tard dans "Le Cas du docteur Laurent"), formant un couple accessoirement fil rouge d'une partie fictionnelle de l'intrigue au gré de leur séparation et de leur réunion. En toile de fond documentaire, le quotidien des pêcheurs du coin.


Varda a composé son film avec un soin évident et éloquent, des compositions saillantes qui accrochent le regard — je pense notamment à ce regard de portraitiste lorsqu'elle fait se superposer les visages de Monfort et Noiret comme une évocation de Bergman et "Le Silence". Une facture plastique assez surprenante, mais pas si étonnante du point de vue de son attrait pour le collage, en un sens. Une post-synchronisation sauvage vient en revanche alourdir le tout, donnant aux dialogues verbeux encore plus de lourdeur et de mollesse, sur fond de musique légèrement dissonante. Ce minimalisme-là ne me parle pas du tout, et la maladresse des débuts à ses limites.

Créée

le 8 juil. 2021

Critique lue 338 fois

5 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 338 fois

5

D'autres avis sur La Pointe courte

La Pointe courte
Moizi
7

Sale bête

Je ne savais pas qu'Agnès Varda avait fait du cinéma avant la Nouvelle Vague et avant Cloé de 5 à 7 et c'est déjà assez intéressant. Ici l'on suit deux histoires en parallèle, premièrement celle de...

le 26 sept. 2017

12 j'aime

La Pointe courte
Morrinson
4

Varda débute, Varda s'amuse

La beauté de la photographie, dans ses teintes noir et blanc comme dans ses cadres soigneusement composés, n'a d'égal que la verbosité de l'ensemble qui ploie sous le poids des dialogues pesamment...

le 8 juil. 2021

5 j'aime

La Pointe courte
Maqroll
6

Critique de La Pointe courte par Maqroll

Le film qui a lancé la Nouvelle vague, hiératique et lent, au contenu parfois intéressant mais qui sonne tout de même un peu faux… Sylvia Monfort et Philippe Noiret ont beau se déplacer comme des...

le 14 juil. 2013

4 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11