Peu familier de l'univers des westerns dits classiques, j'ai décidé de démarrer dans le genre avec un Mann du coffret des éditions Wildside «Le western sauvage», vraiment magnifique, à l'image des autres «classics confidential» qui sont soignés en plus d'être très intéressants en termes de contenu (le livret est bien sympa). Sans avoir été complètement conquis par La porte du diable, quelques points m'ont quelque peu embêté, j'ai passé un excellent moment, à la fois conquis par les prouesses graphiques de Mann et par un script qui réussit à laisser de côté tout manichéisme primaire, en exposant le point de vue de ces deux camps qui se sont longtemps affrontés, les citoyens américains déclarés pure souche d'un côté, et les indiens de l'autre, habitants originels d'une terre promise qu'ils se voient réclamer par leurs "Némésis" ""civilisés"".

« La porte du diable » est passionnant dans sa façon de traiter de ses premières querelles et expose les difficultés de cohabitation entre les deux cultures de très belle façon. Mann y décrit le parcours d'un soldat indien qui vient de passer 3 ans à se battre à côté de ses frères américains et découvre, en rentrant au pays, un espace en pleine mutation dans lequel il n'est plus le bienvenu ... c'est même tout le contraire. Le cinéaste prend son temps pour marquer cette évolution, de la première scène où quelques tensions se font sentir malgré des retrouvailles amicales jusqu'à un affrontement final des plus meurtriers, en passant par une querelle d'honneur dans un bar, la violence monte crescendo et de façon plutôt réaliste. Un cheminement certes très classique mais qui n'en demeure pas moins efficace.

Dommage par contre que les acteurs ne soient pas plus investis dans leurs rôles respectifs, à commencer par Robert Taylor qui a bien du mal à inspirer une quelconque crédibilité en tant qu'indien qu'il n'est pas. C'est d'autant plus dommage que son personnage, omniprésent dans le film, est censé représenter le symbole d'une Amérique multiculturelle en devenir. Le fait qu'il soit déjà un bon américain pure souche trahit le film, quand il rencontre son père indien au début du film, c'est presque un choc tant on a du mal à y croire. Il faut donc faire l'impasse sur ce casting improbable si on veut profiter toute de même d'un film qui a pour lui de bien belles qualités.

Mann y déverse en effet tout son savoir-faire, joue les virtuoses de la pellicule en accouchant d'une photographie très subtile, magistralement accentuée par des jeux d'ombres et de lumières servant des noirs et blancs particulièrement contrastés. L'oeil est sans cesse flatté, le film est très beau, rien que pour cette prouesse visuelle, il vaut le détour. Mais également pour beaucoup d'autres raisons qu'on pourrait énumérer mais qu'il vaut mieux découvrir par soi-même. Entre une réflexion à propos de la loi et l'homme qui les forge, une romance impossible traitée avec subtilité et une dénonciation du côté manipulateur de la nature humaine, la porte du diable est d'une richesse thématique remarquable, ce qui en fait un film passionnant.

Une porte d'entrée hospitalière donc, qui invite à poursuivre le voyage, de quoi pardonner à Mann ce choix de casting plutôt troublant mais qui est certainement symptomatique d'une époque où la cause indienne était rarement défendue - il me semble même que cette porte du diable est l'un des premiers films à l'avoir défendue.
oso
7
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le 19 mars 2015

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oso

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