La Porte du paradis par raisin_ver
La porte du paradis, jamais un film n'a à la fois aussi bien et aussi mal porté son titre.
Aussi mal, car il fut un véritable gouffre financier et est considéré comme le dernier film de la période dite du Nouvel Hollywood. Aussi mal, car le film connut les affres d'un remontage en catastrophe pour passer d'une version de 3h39 à une plus courte faisant un peu plus de 2h20 et un montage différent.
Aussi bien car le film est d'une beauté saisissante. Comme son illustre prédécesseur, le film s'ouvre sur un thème musical qui arracherait des larmes à une pierre. Chaque plan semble avoir été construit comme un tableau, les couleurs, leur mélange, chaque source de lumière confèrent au film un cachet inouï. Le moindre nuage de poussières, la moindre fumée de locomotive semblent s'élever avec grâce et le thème revient au long du film dans différentes versions, joué au violon ou à la contrebasse pour amplifier la caractère tragique et implacable du sort des habitants du comté de Johnson.
Le film est très lent, elliptique, il commence en 1870 lors d'une cérémonie de fin d'études à Harvard puis passe en 1890. On ne sait jamais les évènements majeurs entre ces périodes qui ont amené James Averill et son ami William C. Irvine dans le Wyoming. Les relations entre les personnages sont d'ailleurs complexes mais à peine esquissées, celles entre Averill et Nate Champion ne commencent à être dévoilées qu'après 1h30 de film. La justification du titre n'apparaît d'ailleurs que de manière allusive à la fin d'une magnifique scène de fête populaire, alors que dans The deer hunter, celle-ci frappait le spectateur telle une intervention divine lors de l'apparition du cerf.
Il faut donc être prévenu du rythme très lent du film, durant lequel au final il ne se passe pas grand chose. Des éleveurs excédés des vols de bétail commis par des immigrants affamés dressent une liste noire de 125 personnes et lèvent une armée de mercenaires pour les abattre. La porte du paradis traite un sujet extrêmement noir puisqu'il narre un massacre cautionné par l'Amérique elle-même.