Traiter de manière aussi frontale du racisme en 1950 a évidemment un mérite tout particulier.
Sydney Poitier est un double débutant : en tant que médecin, et en tant que noir dans une telle fonction. Soignant dans une prison deux malfrats liés par le sang, l’un d’eux meurt lors de l’examen médical, ce qui galvanise la fureur raciste de son frère.
Entre ces deux extrêmes, la figure de l’ex-femme est celle de la tentative d’une échappée : de son mariage, de son milieu et de son idéologie primitive pour gagner en humanité.
Si le début patine un peu et a tendance à grossir le trait (notamment dans le racisme bas du front du frère), le film prend une nouvelle tournure assez intéressante lorsque le drame individuel prend la proportion d’émeutes raciales. Déplaçant le propos vers une analyse assez novatrice, Mankiewicz articule avec l’intelligence qui le caractérise rancœurs individuelles et problématiques sociétales. La rumeur, l’incapacité au dialogue sont le cœur même du sujet : belle idée que d’avoir fait du troisième frère un sourd-muet à qui l’on s’adresse par des signes, métaphore explicite d’un langage qui ne fonctionne pas, et des coups comme palliatifs aux dialogues de sourds.
Lorsqu’on connait la virtuosité de la conduite des échanges et la finesse du propos de la filmographie de Mankiewicz, on est cependant en droit de regretter un peu les développements de l’intrigue, proches du thriller (évasion, kidnapping, traquenard…) et presque grossiers au regard de l’importance du propos. On voit arriver assez vite le dénouement, et la tendance au manichéisme du médecin sauveur face au malade physique et moral n’est pas toujours de la plus grande finesse ; mais reconnaissons à ce film le courage de son propos et l’habileté de sa structure.
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