"Et les chevilles, ça va ?..." ou comment vidanger son film
Il n'est désormais guère nouveau de voir des hommes de lettres s'atteler à la production d'un film, quelque soit son poste. Acteurs (Mickey Spillane, François Bégaudeau), scénaristes (Charles Bukowski, Alain Robbe-Grillet, Ernest Hemingway, Marguerite Duras, Jorge Semprun, Françoise Sagan, William Faulkner), certains s'accordent le droit légitime de tenir le poste de réalisateur (Jean Genet, Pier Paolo Pasolini, Samuel Beckett, encore Françoise Sagan, Marguerite Duras et Alain Robbe-Grillet...). Ainsi, qu'on aime ou non les ouvrages de Michel Houellebecq - sa verve monotone, proche de la diction blanche, ses clichés hypothétiquement allégoriques, socialement et politiquement parlant - enfin bref, sa "littérature" n'est pas le sujet -, qu'ils nous atteignent ou pas, il est toujours un minimum intéressant de voir comment un auteur passera à la réalisation et abordera la représentation artistique de cette nouvelle façon.
Fidèle et intègre au possible, Houellebecq ne trahit en rien son "style": des plans, des plans et des plans, sans oublier quelques plans avec un soupçon de plans par-ci par-là sans oublier deux ou trois plans.
Gardez foi en le Cinéma, même s'il semblerait bien que le degré zéro de l'image est vu le jour.
Certes, il y a un travail de mise en scène, c'est indéniable, certes, son cadreur fait son boulot, et plutôt bien, certes la photographie a semble avoir été pensée auparavant. Mais peu importe tout cela étant donné qu'on a pour tout résultat des plans poseurs et pompeusement éloquents, présentant la vie telle qu'elle est, brute, vide et creuse... Houellebecq suit avec tant de ferveur ce leitmotiv, qui est également sa marque de fabrique, que c'est son film qui finit par perdre toute son intériorité. A la fin, ce n'est plus qu'une noix évidée, dont l'arythmie gauche laisse à penser qu'elle est involontaire tellement elle est peu maîtrisée.
Malgré le fait que le nihilisme de Houellebecq soit concevable voire même recevable quand survient un éclair de lucidité dans son propos, son élaboration esthétique demeure imbitable. Houellebecq lui semble avoir fait ses armes dans le journalisme satyrique tant, quoi qu'il arrive, les situations qu'il développe, les personnages qu'il définit, les atmosphères qu'il instaure autour de cette idée sont caricaturales. La trait est grossi - et grossier - et fini bien évidemment par agacer. D'ailleurs, qui ne le serait pas à force de pétasse ondulant du bassin en bikini pour aguicher un quarantenaire belge moche, con et bouffeur invétéré de fritures en tout genre...
On en viendrait presque à croire que c'est pour le seul plaisir d'apparaître furtivement dans son métrage que "l'écrivain"/"le réalisateur" - est-il vraiment légitime ici de le qualifier ainsi ? - c'est subitement mis à torcher fougueusement de la pellicule sur des kilomètres.