Russell Rouse reprend le thème du gunfighter victime de sa réputation au maniement du revolver, thème souvent traité à l'écran, qui avait fourni à Henry King un de ses meilleurs westerns en 1950 avec la Cible humaine. Ici, le réalisateur se hisse sans mal au niveau de King, en offrant une merveilleuse série B aux nombreuses qualités, et remarquable dans sa conclusion d'un dilemme cornélien. Russell Rouse ne réalisera pas beaucoup de films, mais il se distinguera par sa singularité, on lui doit un autre western avec l'étonnant Caravane vers le soleil qui voyait des Basques traverser les grands espaces et combattre des Indiens.
Le film est construit un peu comme une épure dont la courbe va crescendo, filmé sans temps mort, avec une rigueur sèche comparable à celle d'une tragédie ; la description du comportement des habitants d'une petite ville de l'Ouest qui s'affiche tour à tour solidaire, complice et égoïste est d'une surprenante intelligence, car comme dans la Cible humaine, dès que le héros va par bravade, prouver à ses concitoyens qu'il n'est pas qu'un simple boutiquier et qu'il sait se servir de son revolver en virtuose du tir, son existence va s'en trouver bouleversée, tout en mettant en péril la bourgade toute entière. Il va alors attirer l'attention de tous les desperados des environs qui voudront se confronter au mythe du tireur invincible.
Ce tireur d'élite a la carrure de Glenn Ford, il compose un anti-héros marqué par le destin et victime de son passé et trouve probablement l'un de ses meilleurs rôles car il est constamment remarquable ; comme quoi ce n'est pas toujours dans les grosses productions que certains acteurs trouvent des rôles d'une grande qualité. Ford est de plus bien secondé par la douce Jeanne Crain qui incarne son épouse, Broderick Crawford dans le rôle d'une crapule redoutable, Russ Tamblyn, John Dehner, Leif Erickson, John Doucette ou Noah Berry... Un western passionnant qui gagne à être vu car il est relativement méconnu.