Avant de commencer cette intégrale passionnante, j'ignorais que Kinuyo Tanaka avait réalisé un film en couleurs, qui plus est en technicolor et en cinémascope. Pire, encore, elle qui n'a fait quasiment que des films contemporains, celui-ci est une reconstitution historique. Et sur un sujet fort, puisqu'il s'agit de l'histoire de l'invasion des Japonais de la province chinoise de Mandchourie en 1931, et plus précisément l'histoire d'une princesse japonaise dont le destin va être d'épouser le frère de l'Empereur de Mandchourie, jusqu'au moment où, à la fin de la guerre, le territoire est bombardé par les Russes, forçant la famille royale et son peuple à fuir. La seconde partie du film sera consacrée à l'exil de la princesse, d'où le titre, jusqu'à son retour à la demeure familiale au Japon, doublement marqué par le deuil de sa fille, et l'emprisonnement de son mari... Bon, bref, ce genre de grande fresque historique pourrait être très académique (pour ne pas dire chiant) confié à un cinéaste plan-plan, mais Tanaka prouve, même en sortant de ses codes habituels, qu'elle est une cinéaste d'exception, et qu'elle est capable de s'emparer de n'importe quel sujet pour le transcender et en faire une grande oeuvre d'art. Bien qu'historique et précis, le film est toujours d'une parfaite clarté narrative, on n'est jamais paumé, et toujours du côté des personnages (surtout des femmes, l'une des autres grandes particularités de la cinéaste) plutôt que de la Grande Histoire (qui apparait plus comme une toile de fond pour mettre en avant des destins tragiques). Mais surtout, c'est là le principal, le film est hallucinamment beau en terme de mise en scène, d'image, c'est magnifique, sublime dans chaque plan et en fait l'équivalent japonais des grands films de Minnelli ou de Douglas Sirk.