En proie au chagrin, Beth ne se remet pas de la mort de son mari Owen.
En proie à l'incompréhension, elle ne parvient pas à expliquer la raison de son suicide.
En proie à la suspicion, elle se met à découvrir la part d'ombre d'un homme dont elle croyait pourtant tout connaître...
Jusqu'à son titre français, "La Proie d'une Ombre" est le genre de film US sur lequel a priori on ne miserait pas une noix de cajou, où tout semble téléguidé par avance pour nous emmener vers les pires ressorts d'une intrigue potentiellement située entre les dangereuses limbes des ressorts d'un vulgaire téléfilm de seconde zone et ceux d'un énième thriller surnaturel basique.
Mais "The Night House" en V.O. est bien plus malin que ça, piloté par un réalisateur (David Bruckner, remarqué pour le déjà sympathique "Southbound" et bientôt à la tête du reboot de "Hellraiser") qui ne laisse rien au hasard pour traiter en profondeur de la question du deuil et de la part de ténèbres grandissante menaçant d'emporter son héroïne laissée inconsolable par le décès de l'être aimé. Car c'est bien évidemment la thématique centrale d'un long-métrage qui, semblant d'abord prendre un malin plaisir à entretenir ses directions les plus prévisibles, va ensuite chercher à nous égarer (avec succès) dans le dédale d'une forme d'horreur en réalité bien plus cérébrale.
Là où, en effet, au premier degré, les mirages de son intrigue surnaturelle nous entraînent dans un jeu de faux-semblants révélant toute son ampleur au sein d'un brillant dernier acte sur le sens à donner aux événements de l'ensemble, ils sont aussi idéalement pensés en vue de nous perdre symboliquement dans la même spirale de dépression en train d'aspirer inconsciemment son héroïne jusqu'à un potentiel point de non-retour !
Mieux encore, à un fond astucieusement maîtrisé -les références évoquées n'y sont en plus jamais gratuites pour nous amener à la réalité de la confrontation en train de se jouer (le Caerdroia, une certaine statuette, l'utilité des apparitions du mari en elles-mêmes)- répond des qualités formelles placées sous le signe d'une fluidité assez remarquable afin de traduire une perte de repères continue. Ainsi, alors que, dans un premier temps, certains effets modernes s'amusent à renforcer nos préjugés vis-à-vis des finalités peut-être convenues de l'entreprise (quelques jumpscares mais à l'efficacité déjà supra-redoutable pour nos petits cœurs), le film se pare peu à peu d'élans giallesques, de trouvailles de constructions en miroir et de décors sciemment en mouvement cristallisant tout autant la dérive psychologique de l'héroïne que les noirs desseins dont elle est la victime. Si l'on ajoute à cela la prestation impliquée et à forte teneur émotionnelle de Rebecca Hall, "La Proie d'une Ombre" est décidément une très bonne surprise en son genre, cherchant à faire intelligemment parler tout ce qu'il entreprend d'une même voix pertinente pour aborder le large champ de conséquences dévastatrices derrière la pire des douleurs.
Finalement, là où on pensait à tort qu'il y avait le néant, il y avait bien quelque chose qui a complètement bouleversé notre regard sur le film : la patte d'un véritable auteur ayant trouvé l'angle idoine pour faire de "La Proie d'une Ombre" un long-métrage certes peut-être pas incontournable mais assez étonnant et bien ficelé pour qu'on vous le recommande chaudement.