Tous les films avec Sinatra, je les ai toujours abordé avec au départ une petite réticence du fait que je n'aime pas ce gars, ni comme acteur, ni comme bonhomme et l'image qu'il représente. Mais il faut reconnaître qu'il a eu la chance de jouer dans quelques bons films. Ici, passée cette appréhension, on ne peut pas dire que John Sturges ait livré son meilleur film ; il a certes mieux réussi dans le film de guerre avec la Grande évasion et L'Aigle s'est envolé. Son film est un peu poussif et met du temps à démarrer vraiment, la première partie étant un peu noyée par cette love story entre Gina Lollobrigida et Frank Sinatra, je trouve que ça encombre le propos réel du film et ça n'apporte rien, le réalisateur aurait dû clairement se cantonner à la guerre, au constat amer qu'elle représente, et aux scènes viriles.
On peut résumer le film ainsi : des actions de commando dans la jungle birmane, une love story et une réflexion sur la guerre, car sous l'apparence d'un film de guerre commercial avec un casting de choix, on a droit à une réflexion désenchantée sur la guerre et sa folie. Américains et Japonais s'y battent de façon brutale, le capitaine joué par Sinatra est capable d'abattre un soldat mortellement blessé, et il commande sans sourciller l'exécution de prisonniers à la suite d'une traitrise... ce sont là des actes qui font réfléchir et qui mettent les sentiments humains à l'épreuve. Le lyrisme patriotique, l'héroïsme et l'exaltation des exploits militaires prennent ici une tournure différente de ce qu'on voit dans d'autres films de guerre, c'est une vision plus lucide et pessimiste des lois de la guerre, et il est dommage que ces éléments soient un peu détournés par la romance ridicule entre Gina et Sinatra.
Mal à l'aise dans les scènes sentimentales, Sturges déploie en revanche une indéniable virtuosité dans les scènes d'action, comme l'attaque des Japonais pendant la fête de Noël, et la prise du camp d'Ubachi par les commandos américains. Mais ce qui fait la force du film et qui parvient à sauver un scénario peu élaboré, c'est encore la brochette de seconds rôles qui entourent le couple vedette, tels Steve McQueen et Charles Bronson alors qu'ils n'étaient pas encore vedettes, et que le réalisateur recrutera l'année suivante pour ses Sept mercenaires, ainsi qu'un reste de casting riche, avec Peter Lawford, Richard Johnson, Brian Donlevy, Dean Jones, Paul Henreid, Whit Bissell ou Philip Ahn, interprète habitué des rôles asiatiques à Hollywood à l'époque.