Quelque part dans une ville industrielle, des immigrés clandestins viennent travailler de manière illégale pour un homme qui les exploite. Cet homme a un fils, Igor, qui vit avec lui et au milieu de cet univers de magouilles loin de toute éthique. Le décor dans lequel évolue le jeune Igor est donc des plus hostiles. L’adolescent, apprenti dans un garage, qui s’intéresse à la mécanique, est sans cesse sollicité par son père. La mécanique le passionne, il s’adonne autant que possible à cette activité dans laquelle il s’épanouit, mais il faut être présent sur le chantier. Forcément, il se plie à l’autorité parentale, et il se contente de faire ce qu’on lui demande, même s’il est totalement dans l’illégalité. Igor est surtout débrouillard, presque plus adulte qu’enfant, mais il n’est pas encore totalement indépendant. Et c’est donc à ce moment que se déroule La Promesse, celui où, justement, va surgir l’élément perturbateur qui va fragiliser un équilibre familial déjà bien précaire.
La famille, telle que montrée dans La Promesse, n’a rien de sacré ni d’heureux. La relation entre Igor et son père, qu’Igor appelle par son prénom « Roger » à sa demande, relève plus d’une relation entre deux frères, voire entre deux copains. Quelque part, ils sont presque dans un rapport de force d’égal à égal. En réalité, Igor ayant grandi avec son père et ses combines, s’est malgré lui conformé à un système dangereux et inhumain, qu’il a suivi car il était naturel d’assister son père. Mais l’adolescence arrivant, commence à s’exprimer le fond de sa personne, son individualité propre, qui n’est plus dans la simple exécution, mais également spectatrice de ce qui se passe autour d’elle, qui est capable de juger et, surtout, d’agir selon sa propre pensée. La Promesse vient donc montrer la perpétuelle remise en question, le tiraillement entre l’ordre établi et les propres aspirations de l’adolescent, plongé dans les tourments de l’adolescence et du monde qui l’entoure.
Ici, les frères Dardenne réalisent un film déjà bien révélateur de leur vision du cinéma et de ce qui fait leur marque de fabrique, c’est à dire un style très naturaliste et dépouillé, à la lisière du documentaire, dont ils sont d’ailleurs issus. La caméra suit toujours les personnages de très près, pour capturer leurs émotions et leur environnement proche. Elle les suit mais ne les précède pas, ce qui permet au spectateur d’être dans le même état d’esprit que le personnage, sans véritable capacité d’anticipation, sans être guidé par des ficelles scénaristiques qui indiqueraient le chemin que suit le film. La Promesse est dans la veine de ce cinéma social très épuré, bien plus radical que ce que peut proposer un Ken Loach par exemple, et qui va faire leur succès par la suite, avec des films comme Rosetta ou L’Enfant. C’est également l’occasion pour des acteurs peu connus de s’illustrer, comme, notamment, un très jeune Jérémie Renier et Olivier Gourmet, qui se révèle au cinéma grâce à ce film, et qui sont criants de vérité.
La Promesse est, pour moi, une première rencontre avec les frères Dardenne. Un film social au style très naturaliste, au plus près de ses personnages et de la réalité, montrant le poids du mensonge, les tourments de l’adolescence, et le chemin vers l’indépendance, tout en traitant de thématiques plus larges comme la pauvreté, l’immigration et le racisme. Le film a aussi pour force d’exposer des personnages qui ne sont jamais manichéens, tout au plus antipathiques, évitant toute forme de jugement ou de prise de parti radicale, toujours dans cette volonté de raconter et de montrer sans être dans la simple dénonciation. Une belle promesse, justement, pour la suite.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art