Sixième sens
En choisissant comme sujet de son premier film le traumatisme australien de la guerre lointaine à Gallipoli, Russell Crowe n'a pas pris le parti de la facilité. Et c'est par le prisme d'un père à la...
le 29 avr. 2015
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Russell Crowe passe à la réalisation et raconte l’histoire (vraie) de Joshua Connor, un père parti à la recherche de ses fils morts au combat, pour honorer la promesse faite à sa femme juste avant qu’elle meure. Le titre VO – The water diviner (traduction : le sourcier) fait ainsi référence à son aptitude très Yin-Yang à être irrémédiablement attiré vers certaines énergies. Le vital (l’eau) VS le morbide (ses fils); Énergies qui, rassemblées par la promesse éponyme, façonneront un chemin vers la reconstruction.
Bon. Avant de parler des choses positives, il faut évacuer de suite ce qui chie: Russell Crowe n’a pas la fibre réalisatrice.
Son film souffre d’un vrai manque de perspicacité en termes de mise en scène, de rythme, de narration parfois. Aussi, il ne maîtrise clairement pas l’art de la subtilité, et rend malgré lui son récit trop prévisible, parfois même, lourd (la romance). Olga Kurylenko à ce niveau, ne tient pas la comparaison en termes d’interprétation, de justesse de jeu ou de charisme face à Russell Crowe ou Yılmaz Erdoğan… Desservant légèrement la crédibilité et l’intérêt porté à l’histoire en dépit d’un tout petit moment émouvant.
Par contre, Russell Crowe ne manque ni de sensibilité, ni de sincérité. C’est très important car cela permet presque d’effacer les gros défauts pré-cités. Par exemple, dès le texte du générique et la première scène, on sait que Russell Crowe fera parler à fond la fibre humaniste.
Car sachant que l’acteur-réalisateur est Australien, il peut être surprenant de voir le film commencer en immersion dans l’armée Turque, pendant l’assaut du Lone Pine; il s’agit du moment capital ou l’ANZAC (Armée Australienne / Néo-Zélandaise) évacua le lieu du conflit (Gallipolli), pendant la 1ère guerre mondiale, en 1915. Pour rappel, cette défaite précise est particulièrement douloureuse pour les armées britannique et Australienne, tant d’un point de vue géopolitique et militaire – retardant la progression des troupes vers la résolution du conflit mondial – que d’un point de vue humain avec un peu plus de 50 000 morts (dans les deux camp cela-dit). Placer la caméra du coté turque est ainsi un honorable gage de recul sur l’histoire du pays. Une main tendue vers le futur, l’acceptation et l’ouverture. C’est finalement très beau, même si cela manque un tout petit peu de subtilité. Cette immersion dans le camp ennemi rappelle ainsi le Lettres D’iwo Jima de Clint Eastwood, qui adoptait intégralement le point de vue Japonais durant un évènement précis de la seconde guerre mondiale. Toutefois, point de jusqu’au bout-isme ici.
Le récit se recentre très vite sur une période d’après guerre, et sur un personnage Australien; après une rapide mais émouvante introduction, Joshua Connor sera victime d’un violent déracinement. À la recherche de ses fils morts, il se rend sur un territoire dévasté par la guerre, et culturellement antagonique: la Turquie. Son point de vue sur ce « nouveau monde » est d’abord agressif, déformé par le prisme du chagrin, puis se transformera progressivement, par le biais de diverses rencontres, en regard bienveillant et respectueux. Si Russell Crowe-réalisateur ne parvient pas toujours à éviter la vision exotico-touristique de la culture orientale, son film possède tout de même des airs de Lawrence d’Arabie, par l’intermédiaire de la relation entre Joshua et Hasan. À travers eux filtre une empathie réciproque Australie/Turquie – occident/orient, jamais gratuite, mais plutôt issue d’un vécu douloureux associé à un respect mutuel. Là encore, c’est très émouvant, et cela fait le lien avec cet agréable parfum de John Ford.
La promesse d'une vie est donc une belle épopée à travers deux mondes – deux cultures, un parcours de l’individu vers la communauté, d’un homme frappé par le sort mais qui retrouvera l’espoir grâce à l’empathie environnante. Fréquemment touchant, on sent une vraie volonté, de la part de Russell Crowe, de refuser la facilité et le manichéisme. Sa sensibilité s’attache ainsi à rendre le vécu de chacun (choix et regrets) palpable dans chaque interaction. Une véritable preuve de sincérité envers son récit, et l’envie de communiquer un véritable humanisme à son spectateur.
À tout cela se rajoutent deux beaux portraits d’homme – Joshua Connor dont on a déjà parlé, mais également celui du Major Hasan, général de l’armée Ottomane à la légendaire acuité militaire. Une sorte de Vincent Lindon turque et trop classe dont la concision ultra efficiente du dialogue se couple avec l’intensité mélancolique de son regard. Un personnage très juste, impeccablement interprété par Yılmaz Erdoğan, observant avec distance et humanisme, ses pairs, son époque, un pays qui ne lui appartient plus.
Puis, certaines images (Connor et son puits, la tempête de sable, le regard mélancolique de Hasan sur le monde, les danses, les frères au conflit…) possèdent cette puissance émotionnelle à même de marquer notre imaginaire, même si elles manquent sensiblement de subtilité.
En somme, le film de Russell Crowe est une sorte de croisement entre les maîtres étalons de l’épopée humaniste que sont La prisonnière du désert, Lawrence d’Arabie et Lettres d’Iwo Jima… Sans les talents de metteurs en scène de Lean, Eastwood ou Ford, mais emballé avec sincérité, humanisme et sensibilité.
Créée
le 29 juil. 2020
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