Au départ, une sensation d'appropriation culturelle, d'un langage très littéraire un peu inapproprié à cette histoire, l'impression d'être face à un exposé sur des turpitudes typiquement américaines auxquelles on aurait raccroché des parcours individuels.
Puis petit à petit la logique de l'œuvre se révèle. L'arrière goût des premières pages s'estompe dès que le lecteur se voit immergé dans des souvenirs épousant plus concrètement l'histoire des Etats Unis vis-à-vis du racisme. Les dernières pages raccrochent ensuite réalité statistique et pragmatique, avec fiction et émotion. Le livre occasionne une reflexion sur la construction d'un cliché raciste et explicite comment ceux-ci, lorsque sociétaux et généralisés, peuvent finir par définir l'identité d'individus. Même si c'est pas le sujet il serait intéressant de se faire le même genre de réflexion par rapport à la violence supposée des noirs aux US, sensée justifier l'attitude de la police à leur égard...
En tous cas le livre explicite un peu plus les inégalités entre blancs et noirs, le racisme ordinaire et latent, le racisme legal, le racisme agressif.
Formellement cette extrapolation fictionnelle de la réalité, articulée autour d'une reflexion sur un sujet de société m'a rappelé Emmanuel Carrere. Il y a aussi une forme de reformulation poétique d'une réalité tragique, qui passe par la narration éclatée et plurielle ainsi que par le langage utilisé. Là ça m'a rappelé Toni Morrison.
En bref c'est un livre facile à recommander mais qui au delà de son accessibilité me paraît hyper propice à la reflexion et au debat.