Sixième sens
En choisissant comme sujet de son premier film le traumatisme australien de la guerre lointaine à Gallipoli, Russell Crowe n'a pas pris le parti de la facilité. Et c'est par le prisme d'un père à la...
le 29 avr. 2015
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Russel Crowe, le Néo-zélandais qui adopta l'Australie dans un premier temps avant de rejoindre l'industrie cinématographique hollywoodienne, choisit de retourner sur la terre de ses origines pour sa première fiction en tant que réalisateur. Crowe devant et derrière la caméra (il s'est donné le beau rôle) raconte une histoire en marge d'un épisode peu connu de la Première Guerre mondiale : la bataille de Gallipoli, parfois appelée bataille des Dardanelles. Un conflit qui opposa le Royaume-Uni et la France (ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande) à l'Empire ottoman sur les terres de la Turquie actuelle, entre 1915 et 1916.
Je n'irai pas par quatre chemins : c'est nul. Ou raté. Ou "pas mon style", pour rester poli.
Esthétiquement, les compositions censées caresser le charme de ces années-là sont affreusement clinquantes, tout sonne faux, et un filtre jaunâtre quasiment omniprésent vient parachever cet effet toc qui enveloppe doucement l'ensemble du film. Et ce ne sont pas les quelques escapades dans la campagne australienne ou dans les marchés ottomans qui sauveront le film d'un défaut absolu d'authenticité.
Sur le fond, "La Promesse d'une vie" (félicitations aux distributeurs français) est un enchaînement de clichés assez écœurant, chose surprenante étant donné l'originalité du sujet et des lieux. On enchaîne les passages obligés du drame familial / historique avec la régularité d'un métronome : morts des membres de la famille au ralenti, musiques sirupeuses et larmoyantes, petites leçons de vie, etc. La présence des troupes grecques est l'illustration parfaite d'un des travers du film : ennemis historiques des Turcs, ils ne sont là que pour donner corps au méchant, à l'ennemi sanguinaire, bête, assassin et barbare, procédé narratif et personnages affreusement artificiels uniquement là pour rapprocher les Turcs et les Australiens au lendemain du conflit qui les opposait. Le film résonne principalement comme une vaine illustration d'un scénario très pauvre, mélodramatique à souhait, démonstration poussive de l'amour d'un père pour ses enfants partis en guerre.
On peut être touché par la démarche de Russel Crowe, car il y a sans doute beaucoup de sincérité et de générosité derrière l'histoire qui est contée. Mais les personnages n'existent pas, rien ne fonctionne, tout semble mis mécaniquement au service d'une idée fixe dramatique. Il n'y a qu'à voir la séquence au cours de laquelle Russell Crowe identifie seul la zone où se trouve ses enfants, grâce à ses talents de sourcier (un fait que le titre original n'oubliait pas de mentionner) : c'est le degré zéro du mystère, il n'y a aucune ambiguïté. On nous présente les visions du père comme d'authentiques flashbacks, le travail est entièrement prémâché, aucun effort d'interprétation de la part du spectateur. C'est particulièrement dans ce genre de moments qu'on se prend à imaginer à quoi aurait ressemblé ce film s'il avait été réalisé par un Nicolas Roeg ou un Peter Weir, avec leur talent pour décrire l'étrange, l’inexplicable, l'indicible, le surnaturel. Peter Weir, lui aussi réalisateur australien, qui s'était déjà intéressé à la bataille de Gallipoli (à ses prémices plutôt qu'à ses conséquences) dans un film de 1981 portant son nom, et qui vaut cent fois plus le détour.
[Avis brut #81]
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Créée
le 11 avr. 2016
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