Le réalisateur Pierre-Alain Jolivet n'aura tourné que cinq petits films dans sa carrière et La Punition sorti en 1973 reste sans doute son œuvre la plus connue bien que relativement confidentiel. Adaptation d'un roman partiellement autobiographique de Xavière Lafont et mis en dialogue par Richard Bohringer , La Punition nous embarque dans une sorte de cauchemar morcelé et étrange autour du milieu de la prostitution du début des années 70.


La Punition c'est l'histoire de Britt une jeune femme blonde devenue prostituée mais qui provoque un jour l'insatisfaction d'un client. La jeune femme est conduite à Lyon dans une maison de redressement ou mise à nue dans une pièce vide uniquement meublée d'une paillasse de métal elle devra satisfaire sans rien dire les clients les plus tordus qui soit.


La Punition n'est pas un film aimable ne serait ce que pour le cœur même de son intrigue qui nous montre comment briser, humilier et asservir une femme au simple prétexte qu'elle n'aura pas donner pleinement satisfaction à un homme l'ayant quasiment violé contre quelques billets. Cette jeune femme Britt est interprétée par la comédienne d'origine allemande Karin Schubert dont la trajectoire la fera passer en quelques années de La Folie des Grandeurs au cinéma X en passant par des productions Eurociné, un travail d’hôtesse de téléphone rose et des bis italiens entre westerns spaghettis et comédie polissonnes. Un parcours de vie chaotique qui conduira la comédienne vers l'asile après plusieurs tentatives de suicide entre 1994 et 1996 et qui raisonne en creux face au parcours de son personnage dans La Punition passant de courtisane de milieux petit bourgeois à l’abattage un peu sordide, la solitude et la souffrance. Dans La Punition , la comédienne donne beaucoup de sa personne, souvent nue et maltraitée, elle pleure, souffre et crie sous nos yeux se raccrochant au moindre petit espoir de liberté et de survie comme dans sa relation trouble avec un souteneur amoureux interprété par le comédien d'origine algérienne Amidou. En confrontant ce personnage réduit à l'état d'objet de plaisir à quelques individus aux désirs tordus, Pierre-Alain Jolivet en profite au passage pour fustiger quelques institutions comme l'ordre, la religion et la notoriété avec un commissaire de police adepte de la torture, un pseudo religieux purifiant les âmes perdus par la sodomie et un respectable homme de télévision adepte des plaisirs sadomasochistes avant de rentrer sagement chez bobonne.


La Punition est un film qui n'existe pas tant dans ce qu'il raconte que dans la manière avec laquelle il impose son intrigue. Le film de Pierre-Alain Jolivet ne possède pas une trame rectiligne et continue mais adopte les circonvolutions d'un récit qui mélange présent, passé et futur autour de ce noyau dur narratif de punition. Mais surtout La Punition est un film qui possède un véritable univers souvent étrange, moite et perturbant à l'image de ces personnages secondaires aux teints blafards de cadavres qui reviennent régulièrement dans le récit. L'univers sonore et oppressant du film fonctionne également parfaitement comme avec cette chambre vide dans laquelle est retenue Britt faisant raisonner les pas et les coups dans des échos sourds. La jeune femme devra également subir et s'habituer aux hurlements d'une jeune fille d'une chambre voisine subissant avec douleurs la même punition qu'elle. La Punition est un film qui est également doté d'une très belle photographie signée Bernard Daillencourt (futur directeur de la photographie des films de Walerian Borowczyk) avec même quelques petites ambiances de giallo très agréables et d'une bande originale prenante, planante et émouvante signée Bookie Binkley qui incarne également un tueur dans le film. Avec son ambiance moite de cauchemar, son érotisme et ses quelques fulgurances gore La Punition trouve sans problème sa place dans l'inventaire hétéroclite et bordélique du cinéma de genre à la française. On aura en plus le plaisir de retrouver un casting solide avec Georges Géret, Marcel Dallio, Jean Lescot, Jean Pierre Maurin et François Maistre.


La Punition n'est certainement pas un immense film mais il possède un je ne sais quoi qui accroche l'attention et qui plonge le spectateur dans une sensation de cauchemar moite et cotonneux traversé d'érotisme et de violence. " Je n'ai ni famille, ni amis, ni argent, ni avenir. J'ai voulu mourir parce que j'ai tout raté. Pour les gens, je suis une putain"  ces mots sont ceux de Karin Schubert mais ils auraient pu être ceux de son personnage dans La Punition ce qui rend le film encore un peu plus trouble et triste qu'il ne l'est déjà.

freddyK
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le 28 juil. 2024

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