Il y a de ces films qui vous marquent à vie, malgré leur sujet cent fois exploité. La Rafle est un film terrifiant d’objectivité qui retrace les événements de la rafle du Vel d’Hiv et la déportation de plusieurs milliers de juifs dans des camps de concentration en 1942. Les acteurs, français pour la plupart, sont impeccables, à l’instar des enfants qui semblent habités par leur rôle d’enfant-martyr, les yeux baignés de larmes et une compréhension de ces atrocités pas si naïve…
La première partie dévoile quelques petites familles juives vivant paisiblement au sein d’un Paris pré-apocalyptique, les aryens ne paraissant pas encore s’offusquer outre mesure de la présence de ceux qu’ils nommeront « vermines, parasites » dès qu’Hitler commencera à faire son œuvre sous le régime de Vichy.
La cinéaste met en scène cette rafle opérée « comme nuit et brouillard », comprendre dans le silence et l’efficacité. 13 000 Juifs seront déportés dans un vélodrome où ni eau ni médications ni hygiène ne sont au rendez-vous. L’infirmière incarnée par Mélanie Laurent, protestante pratiquante, contribue fortement à cette ambiance d’une angoisse latente, découvrant en même temps que le spectateur cet entassement d’innocents parqués comme des bêtes comme ils le seront dans les trains de déportation. Capable de passer d’une profonde détresse à une joie immense à faire pleurer les pierres, Mélanie Laurent, malgré la vanité et l’amour propre sans limite que nous lui connaissons, surprend une nouvelle fois dans ce naturel déjà remarquable dans Je vais bien, ne t’en fais pas (Philippe Lioret, 2006).
La crédibilité de la situation est aussi transmise à travers le regard du médecin Juif joué par Jean Reno, force tranquille au service de ses compatriotes, et surtout par la mise en scène de l’évolution du projet d’extermination d’Hitler que l’on voit dans le feu de l’action, élaborant ses discours ou s’adressant à ses subordonnés en qualifiant métaphoriquement la rafle de « Nuit et brouillard ».
Ces points-de-vue variés permettent donc de comprendre ce que fut la Shoah sous tous les angles, pour le spectateur à l’estomac le plus accroché, à l’enfant le plus sensible en passant par l’adulte aguerri et historien, fasciné par la sobriété et l’élégance d’un film certes un peu larmoyant, mais justement tellement objectif.
Mais un détail dérangeant subsiste toutefois. Il s’agit du fait que la Rafle n’apporte rien dans le monde du cinéma. Les clichés sont exploités en abondance, et tout ce sentimentalisme n’est présent que parce qu’est utilisée une recette dont on a déjà usé et abusé. Mais si le pathos doit forcément être présent dans un film sur la rafle du Vel d’Hiv, il a le mérite d’être à mon sens très bien exploité ici, quoique masquant les afféteries d’une mise en scène stéréotypée, qui ne prend aucun risque.
La Rafle est un film émouvant, qui ne sierra pas aux plus insensibles d’entre nous, mais qui exploite avec justesse et réalisme la souffrance et l’horreur de la Rafle du Vélodrome d’Hiver qui a ensuite expulsé des milliers de Juifs vers une kyrielle de camps de concentration, ouvrant la voie à des millions d’autres victimes innocentes… Et des dizaines de films sur ce sujet tristement intarissable…
Mathilde ESPERCE....
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