- À quoi tu veux qu'on joue ?
- À la rafle.
Comme l'a dit un éminent anonyme que, par hasard, je connais: "Belle mise en abîme de votre travail, Mme Bosch."
Comme bon nombre de vos prédécesseurs, vous avez tenté de vous livrer à cet exercice, non pas difficile, mais au contraire d'une facilité affligeante: celui de réaliser un film sur la Shoah.
Mais n'est pas Polanski qui veut. J'ai beau très mal connaître ce réalisateur, je vais commencer d'emblée par ceci: "Le Pianiste" est jusqu'à maintenant le seul film sur la Shoah qui m'ait touché.
Comme beaucoup d'autres avant toi (tu permets, Roselyne, je t'appelle par ton prénom, et je suis obligé de te tutoyer par la même occasion, c'est d'usage), tu as pensé que faire un film sur la Shoah était suffisamment démonstratif de ta bonne foi et de ta compassion envers l'Humanité (le genre humain, pas le journal) pour te soustraire au moindre talent concernant la mise en scène. Car oui Roselyne, ton film est mauvais, il est même lamentable, et aujourd'hui encore je continue de me demander ce qui m'a poussé à le regarder en entier.
Tout est mauvais dans ton film. C'est caricatural, mal écrit, mal joué. Rien à ajouter, tant pis, ce paragraphe sera très court.
Pour la énième fois dans l'Histoire du Cinéma, tu nous présentes un film complètement bateau (et mauvais) sur la souffrance des déportés Juifs devant laquelle, comme tu le dis toi-même, "on ne peut que pleurer". Et c'est justement là le problème de ton film. Tu ne souhaites aucunement nous présenter une oeuvre cinématographique correcte. Tout ce que tu souhaites, c'est remuer encore une fois le couteau du devoir de mémoire pour faire chialer un maximum de collégiens encore peu avertis quant à ce triste passage de notre Histoire. Stop. Arrête. Ça suffit. On connaît.
Mais tu ne t'es pas simplement contentée de faire un mauvais film, c'eut été trop facile. En grande humaniste que tu es, tu t'es offert le luxe d'une promotion totalement démago et dégueulasse concernant les spectateurs sceptiques au visionnage de ta bouse. Car sache que selon tes propos, sans même me connaître, tu me compares à Hitler. Tu comprendras donc aisément que je ne suis pas enclin à chanter tes louanges, ni même à éprouver pour toi une quelconque sympathie. Roselyne, je t'emmerde. Pendant deux heures, tu as essayé en vain de me faire pleurer en usant des ressorts les plus usés et les plus abusifs. Ton film d'un tire-larmes évident (ce qui est d'ailleurs le seul projet du ramassis que tu as pondu) ne fonctionne pas. Dis-toi que tu n'as même pas réussi à remporter un prix, ce qui, pour un film sur la Shoah, est normalement chose acquise. Ah si, pardon, tu as tout de même obtenu trois Gérards, bravo pour ta performance, personnellement je t'en aurais octroyé une bonne douzaine.
À la sortie de ton film, nous sommes en 2010, Roselyne. Tu ne me feras donc pas croire que ton film n'a pas pour seule vocation de tirer sur la corde sensible afin d'amasser quelques deniers dépensés par les rares personnes assez crédules pour te croire honnête. Si le devoir de mémoire t'intéresse tant, pourquoi ne pas t'essayer à la réalisation d'un film sur le génocide des Indiens d'Amérique, ou sur le génocide rwandais ? Ou même, soyons fous, un film sur la Shoah vu depuis un camp de gitans ou, par exemple, un couple homosexuel ? Ça changerait un peu. Il n'y a rien de plus à faire sur la souffrance juive au cinéma depuis "Le Pianiste", le disque est rayé. Et au pire, "La Liste de Schindler" restera la référence face à laquelle on ne peut rien faire de nouveau. Et franchement, exploiter cette souffrance comme tu l'as fait pour ce film, c'est très moche. Et dire que tu te permets de traiter des gens de nazis...
Bref, c'est bien beau d'honorer le devoir de mémoire, mais excuse-moi, Roselyne, de demander un minimum de qualité quand je vais voir un film, et ce quelqu'en soit le sujet.
Bisous.
(Petit bonus: une citation de Bertrand Cantat se cache dans cette lettre. Sauras-tu la retrouver ? Elle vient d'un discours particulièrement marquant adressé à Jean-Marie Messier, un triste personnage à qui je ne porte pas plus de crédit qu'à toi.)