Les éditions Potemkine ont eu la bonne idée de rééditer ce film, véritable curiosité des années 70. Walkabout, le premier long métrage du réalisateur britannique Nicolas Roeg, est une sorte de patchwork sensitif. Deux jeunes Anglais en perdition dans le bush australien se lient d'amitié avec un adolescent aborigène. Un récit initiatique riche en audaces visuelles et sensuelles typiques des Seventies.
Perdus dans l'Outback
Dans les toutes premières scènes de Walkabout, un père emmène ses deux enfants - une adolescente et son jeune frère - pique-niquer en plein bush. Sauf que le père se suicide, abandonnant sa progéniture dans le dénuement le plus total. Commence alors un road-trip à travers les paysages inhospitaliers de l'Outback. Avec, au rendez-vous, tout ce que la faune australienne compte d'animaux étonnants : varans gila, opossums et autres wombats... Par chance, les deux jeunes Anglais tirés à quatre épingles - le garçon a des airs de petit Lord Fauntleroy - font la rencontre d'un Aborigène en plein rite de passage à l'âge adulte : le walkabout du titre.
Paradis perdu
Ce survival au scénario linéaire est l'occasion pour le réalisateur d'interroger le rapport à la nature dans nos sociétés occidentales. Ainsi, le jeune Aborigène révèle-t-il les vertus nourricières d'un environnement a priori hostile. Cinématographiquement, cela se traduit par des incrustations visuelles qui mettent en parallèle monde moderne aseptisé et nature édénique. L'idée du paradis perdu est par ailleurs suggérée dans la deuxième partie du récit par une exaltation des corps. Celui, à moitié nu de l'Aborigène comme celui de la jeune fille, photographié très suggestivement par Nicolas Roeg. Point d'orgue de cette thématique, une scène de baignade dans le plus simple appareil en osmose avec la nature. Un érotisme à la David Hamilton qui surprend aujourd'hui à l'heure des productions "cancelisées".
David Gulpilil
David Gulpilil est un des très rares acteurs d'origine aborigène à avoir percé au cinéma. Si on le retrouve plus tard dans de nombreux films plus ou moins connus - The Tracker, Crocodile Dundee, Charlie's Country - son rôle dans Walkabout lui vaudra une renommée internationale instantanée. Il faut dire que le bonhomme a de la présence, en chasseur redoutablement efficace - ce qu'il était dans la vraie vie -, en danseur fou ou en grand frère d'adoption. Le long portrait qui lui est consacré dans les bonus du DVD est très éclairant. On y découvre que David Gulpilil, véritable star dans sa communauté et ambassadeur emblématique de la culture yolngu, vit aujourd'hui dans la misère la plus totale. Sans jamais se départir de son incroyable bonne humeur. Ni l'argent, ni le confort ne font le bonheur, dit le proverbe, c'est aussi le message de ce film étonnant qu'est Walkabout. A découvrir.
8/10
Critique à retrouver sur le MagduCiné