Premier long-métrage en solo du britannique Nicolas Roeg, Walkabout, librement adapté du roman de James Vance Marshall, fait partie de ces petits classiques oubliés, ces oeuvres scandaleusement méconnues qui méritent d'être redécouvertes sans plus attendre.
Par la grâce d'un montage avant-gardiste jouant magistralement avec les sons et la texture de l'image, Walkabout illustre à la fois la rencontre entre deux mondes diamétralement opposés (deux jeunes anglais paumés dans le bush face à un aborigène en plein rite initiatique), et surtout la perte de l'innocence ainsi que la fin programmée d'un bel instant suspendu dans le temps.
Loin de la fable humaniste et rassurante, Walkabout est au contraire imprégné tout du long d'un ton fataliste, mettant en scène des protagonistes condamnés à rester des étrangers les uns pour les autres, comme si un mur infranchissable empêchait toute véritable communication, comme si l'homme occidental avait définitivement tout foutu en l'air. Un monde dit "civilisé" que le cinéaste critique violemment, confrontant sans cesse la pureté d'une nature certes sauvage et dangereuse mais innocente, à la course au profit et au progrès de l'homme moderne, salopard colonialiste dénaturant tout ce qu'il touche.
Une approche extrêmement pessimiste, qui n'empêche cependant pas Walkabout de proposer quelques moments de pure poésie, voire de douceur, contrastant fortement avec une ambiance parfois pesante et des plans d'une violence insoutenable, à l'image de mises à mort animales à première vue non-simulées.
S'il traîne parfois en longueur et a tendance à s'égarer par instant dans une symbolique en poil trop appuyée, Walkabout reste une oeuvre inconfortable mais fascinante, formellement aboutie et expérimentale, portée par le naturel de son jeune casting (dont une Jenny Agutter toute croquignolette) et par des décors naturels d'une beauté fracassante.